Célébration du centenaire de la mort de Victor Hugo

Le 10 octobre 1985

Alain DECAUX

Victor Hugo : la vie et l’œuvre

 

C’était un jeudi. Comme aujourd’hui. Il était un peu plus de 3 heures. Comme aujourd’hui. L’an 1817, le 10 avril, sous le porche qui tout à l’heure a laissé passer nos automobiles, un jeune garçon s’est engouffré. Galopant sur les mêmes pavés que nous avons foulés, il a gagné la seconde cour, grimpé quatre à quatre les escaliers et, hors d’haleine, a déposé quelques feuillets entre les mains de l’huissier. Ces pages contenaient des vers et l’enfant téméraire, à peine âgé de quinze ans, les soumettait au verdict de l’Académie française qui, pour son concours annuel de poésie, souhaitait que l’on dissertât sur ce thème édifiant : le Bonheur que procure l’Étude dans toutes les situations de la vie.

J’aime assez, Messieurs, que la grande et merveilleuse histoire de l’homme dont nous fêtons le centenaire de la mort commence ici. Qui niera que la jeune carrière de Victor Hugo n’ait pris son élan du jour même où il a décidé de participer au concours de l’Académie ?

Certes, le poème qu’il proposait avait été précédé par bien d’autres. Ses premiers vers, il les avait écrits à onze ans, alors que l’Empereur des Français, harcelé par l’Europe, s’était retrouvé Bonaparte. Ces vers, les voici :

Le grand Napoléon.
Se bat comme un lion.

Je conviens que, s’il s’en était tenu là, nous ne serions pas aujourd’hui occupés à célébrer sa mémoire.

Rien de plus étonnant que de découvrir les cahiers d’écolier dans lesquels il retranscrit ses propres œuvres. Trois cahiers, renfermant sa production de treize à dix-sept ans – c’est-à-dire des milliers de vers !

Et puis est venu ce jour de 1817 où il a découvert dans un journal le thème proposé par l’Académie. Pourquoi ne pas tenter sa chance ? Hugo sera toujours ainsi : dès qu’il conçoit, il agit. Le résultat, ce seront 334 vers.

Mon Virgile à la main, bocages verts et sombres

Que j’aime à m’égarer sous vos paisibles ombres

Que j’aime, en parcourant vos aimables détours,

À pleurer sur Didon, à plaindre ses amours.

 

Bien sûr, l’inspiration est toute classique. Mais cela est exprimé avec une agilité qui étonne. Ce classicisme même, cette convention acceptée prennent comme une allure de jeunesse qui ne trompe pas.

Vous connaissez la suite. L’Académie fut intéressée, séduite, s’arrêta malgré tout à deux vers, ceux-ci :

Moi qui, toujours fuyant les cités et les cours,

De trois lustres à peine ai vu finir le cours.

Dans la langue classique, un lustre, c’est cinq ans. Était-il possible qu’un enfant de quinze ans ait pu atteindre à tant de perfection ? Le secrétaire perpétuel, M. Raynouard - plus connu de nous par sa rue que par son œuvre - écrivit : « Si véritablement il n’a que cet âge, l’Académie a dû un encouragement au jeune poète ». Il fallut que Victor lui expédiât son extrait de naissance pour qu’in extremis on lui décernât une mention. Mais Victor, privilège insigne, fut reçu seul à seul par M. Raynouard, froid et sévère, qui considéra avec une stupeur mêlée d’hostilité cette jeunesse, cette petite taille, cette voix fluette et déclara tout de go à son interlocuteur qu’un prix l’aurait probablement gâté et empêché de travailler.

Il le congédia en disant :

– Notre incrédulité vous servira.

La presse rapporta l’incident. A quinze ans, Victor Hugo devenait déjà un sujet d’actualité. Ce fut bien plus encore quand, à dix-sept ans, venant par ailleurs de remporter un accessit de physique au concours général, il obtint la plus haute distinction qui pût être alors décernée à un poète : le Lys d’or de l’Académie des Jeux floraux de Toulouse.

Il y a tant d’harmonie apparente dans cette vie que, nous en jurerions, l’identification du jeune poète avec le peuple français n’a dû dès lors plus jamais se démentir. Quelle erreur ! Hugo, devenu le plus populaire, a sans nul doute été le plus haï des écrivains français.

Ce quia précisément commencé par déplaire, c’est sa précocité. Certes Chateaubriand décrète que l’on est en présence de « l’enfant sublime », mais cela déjà agace certains.

C’est le temps où, ayant quitté la pension Cordier où il avait grandi, il habite chez sa mère en compagnie de son frère Eugène, autre poète, promis hélas à la démence. Le temps où, chaque soir, Mme Hugo se rend avec ses deux grands fils à l’hôtel de Toulouse où résident ses amis Foucher. Pierre Foucher, chef de bureau au ministère de la Guerre, a une fille, Adèle, qui n’a que seize ans, qui est ravissante, très brune d’yeux et de cheveux – on dit qu’elle a « une beauté espagnole ». Comment Victor n’en tomberait-il pas amoureux, lui qui jusque-là n’a connu aucune femme ? L’été suivant, ce sera – l’aveu : ils s’aiment et puisqu’ils s’aiment
 ils se marieront. En amour comme en poésie, Hugo ne jure que par l’absolu. Au soir du mariage, Adèle sera vierge. Donc, il se gardera vierge lui aussi. Songeons qu’à quatre-vingts ans Hugo étonnera encore les dames. La chasteté à vingt ans suppose donc de sa part un remarquable héroïsme. Saluons.

C’était ne pas tenir compte de la générale Hugo, parfaitement consciente du génie de son plus jeune fils. Catégoriquement elle s’oppose au mariage, estimant que la jeune fille n’est pas digne d’inspirer et de seconder celui - elle en est sûre - qui sera le plus grand poète de son temps.

D’être séparé de la femme qu’il aime, de se voir interdit le seul avenir qui compte à ses yeux, il souffre mille morts. Il n’en travaille que davantage, écrit en quelques jours une longue nouvelle, Bug Jargal, se jette dans un gros roman, Han d’Islande, aussi frénétique que fantastique, écrit des vers par centaines, s’attirant un nouvel hommage de Chateaubriand qu’il rencontre enfin et qui lui adresse ces paroles inespérées :

–- Il y a dans vos vers des choses qu’aucun poète de ce temps n’aurait pu écrire.

La mort de la générale Hugo, l’été de 1821, au moment même où parvient en France l’annonce de celle de Napoléon, est pour lui la plus fulgurante des douleurs qui aient frappé sa jeune vie. Mais cette mort va lui permettre enfin de retrouver Adèle. M. Foucher consent au mariage, à condition que le futur gendre puisse prouver qu’il dispose de moyens d’existence. Or il vit dans une mansarde. L’existence de Marius dans la masure Gorbeau, il pourra la dépeindre avec tant d’exactitude parce que, cette existence-là, il l’a connue. Comment ne pas citer les Misérables : « Il mangea de cette chose inexprimable qu’on appelle de la vache enragée. Chose horrible, qui contient les jours sans pain, les nuits sans sommeil, les soirs sans chandelles, l’âtre sans feu..., l’habit percé aux coudes, le vieux chapeau qui fait rire les jeunes filles... ».

Plus tard, quand ce bourgeois - qui l’est par toutes les fibres de son être - se dressa pour défendre ceux qui n’ont rien, pour dénoncer l’infamie d’une pauvreté devant laquelle ses contemporains ferment délibérément les yeux, il faudra se souvenir qu’il a lui-même touché le fond de cette misère.

Le seul espoir, pour obéir aux exigences paternelles de M. Foucher, c’est une pension royale. On la lui fait entrevoir. Parce que sa mère a crié, au retour de Louis XVIII, son royalisme, Victor à douze ans est lui aussi devenu royaliste. Choix capital : pendant plus de dix ans son inspiration de poète reflètera ce choix. Il vit normalement enveloppé dans les plis du drapeau blanc. C’est une aubaine pour les Bourbons qui, du côté de la
 jeunesse, ne sont pas gâtés. Alors ce poète qui ne cesse de chanter les lys, ne faudrait-il pas le récompenser ? La pension vient enfin – elle est de mille francs par an, moins que ce que gagne le moins payé des employés de ministère – mais cela suffit pour que Victor Hugo, qui n’a jamais été baptisé, épouse à l’église Saint-Sulpice Adèle Foucher. Ils ont quarante ans à eux deux.

Ce qui m’émerveille, dans ces appartements minuscules qu’ils vont habiter, rue de Vaugirard d’abord, rue Notre-Dame-des-Champs ensuite, c’est de voir accourir auprès d’un jeune homme à peine sorti de l’adolescence d’autres poètes, d’autres écrivains, d’autres artistes qui s’appellent Lamartine, Vigny, Mérimée, Théophile Gautier, Charles Nodier, Musset, Balzac, Dumas, Berlioz - car le romantisme c’est aussi la musique - Delacroix - car le romantisme c’est aussi la peinture.

Voilà le grand mot prononcé : romantisme. Sous la coupole où nous sommes, il a agité une génération entière, ce mot. Il a opposé l’école classique qui occupait tous nos rangs à une autre qui avait juré d’en déloger les premiers. La vérité est que ces classiques ne faisaient depuis longtemps que se survivre, et fort mal qui plus est. L’admirable tragédie portée sur les fonts baptismaux par Corneille et Racine agonisait sous la plume du vicomte d’Arlincourt. Les enfants du siècle avait grandi dans l’écho des orages de la Révolution et au son des fanfares impériales. Chacun le sentait : il fallait à la poésie, il fallait au théâtre ce souffle neuf que Chateaubriand déjà avait introduit dans le roman. Pour expliquer le romantisme, il n’est besoin que de citer ce colonel qui avait connu Moscou en flammes et traversé les glaces de la Bérézina. Perplexe, il confiait à Stendhal :

– Il me semble que, depuis la campagne de Russie, Iphigénie n’est plus une si belle tragédie...

Odes et Ballades puis les Orientales marqueront la véritable naissance de la poésie nouvelle. Victor Hugo, définitivement, a donné ses lettres de noblesse au romantisme poétique.

Après un premier né mort au berceau, trois beaux enfants lui sont venus : Léopoldine, Charles et ce Victor qui, pour se distinguer de son père, se fera appeler François-Victor. Autres élans passionnés, autres sujets d’inspiration. C’est en hommage au général Léopold Hugo, père retrouvé, qu’il a appelé sa fille Léopoldine. Après la mort de sa mère, a a découvert, avec une stupéfaction émerveillée, que ce père après tout n’était nullement le monstre imaginé de loin, mais un demi-solde an cœur chaleureux. C’est ce père qui lui a fait découvrir que les plus de drapeau blanc n’avaient pas été seuls à illustrer la gloire de la France et que, pour des millions d’hommes en Europe, les trois couleurs étaient devenues l’emblème de la liberté.

 Mais chaque jour, dès l’aube, il est à sa table de travail. Il ne la quitte pas d’un instant jusqu’au déjeuner. Chaque jour, cent vers tombent de sa plume d’oie, ou vingt pages de prose. On s’effare à constater une telle fécondité, une telle aisance dans le travail, sans que jamais celles-ci débouchent sur de la facilité. L’inspiration ne l’abandonne jamais. Tout au long de sa vie, des vers lui viendront spontanément, alors qu’il se promène seul, voire même au cours d’une conversation. Il aura toujours dans ses poches du papier et un crayon pour noter ces rimes impromptues. Le temps viendra où des alexandrins l’éveilleront dans son sommeil. Sur sa table de nuit, du papier et un autre crayon attendent qu’il les note. On dirait que Victor Hugo est une source d’où coule littéralement la poésie.

Que ce grand travailleur, que cet iconoclaste littéraire, rêveur mais singulièrement éveillé, le regard fixé sur l’infini et en même temps combattant résolu, ait songé à parachever sa révolution poétique par le théâtre, qui ne jugerait cela logique ? Que de Cromwell injouable, il soit passé à Marion de Lorme interdit et à Hernani enfin représenté à la Comédie-Française, qui ne le comprendrait ?

C’est d’Hernani que date la gloire de Hugo. Gloire contrastée, allant de l’admiration sans limite de thuriféraires prêts à crier au génie devant la moindre virgule, jusqu’au mépris et à la haine d’opposants hurlant au sacrilège sur un point d’exclamation. A partir d’Hernani, il n’est pas une de ses pièces - sauf Lucrèce Borgia - qui ne déclenche de scandale. Toutes elles sont sifflées par le public, accablées par la critique. Hugo devient un objet de risée, d’aversion. Les mots que l’on emploie pour parler de lui seraient tout juste bons pour un criminel : lisez le journal de Viennet - encore l’un de nos confrères - et vous serez édifiés.

Le paradoxe, c’est qu’on l’injurie, mais que l’on court à ses pièces. La mode est de se montrer sifflant Victor Hugo. On paye sa place, mais on insulte l’auteur. Certains vont plus loin. Chaque matin, au courrier, des lettres d’injures parviennent à l’adresse de Hugo. L’une d’elles s’achève par cette phrase : « Si tu ne retires pas ta sale pièce dans les vingt-quatre heures, nous te ferons passer le goût du pain ». Ce n’est rien encore. Un soir que Hugo travaille devant sa fenêtre, une détonation retentit. Une vitre vole en éclats. Il ouvre la croisée, personne. Il se retourne : une balle, passant à quelques centimètres au-dessus de sa tête, a troué un tableau accroché au mur.

Il ne déposera pas plainte. La passion littéraire portée jusqu’à l’assassinat : Hugo aura donc provoqué cela.

Trois fois encore, au cours de sa longue vie, on voudra le tuer. Une fois en 1848, place de la Bastille, quand, par fidélité, il voudra proclamer la régence de la duchesse d’Orléans. Une seconde fois, au 2 décembre, quand sa tête sera mise à prix pour 25 000 francs. Une dernière fois à Bruxelles, après la Commune, quand, pendant une nuit entière, une foule odieuse tentera d’enfoncer sa porte pour le réduire définitivement au silence. Sont-ils si nombreux les poètes que l’on s’acharne à vouloir mettre à mort ? Pascal a dit un jour : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger ».

De Sainte-Beuve Hugo avait fait son ami le meilleur. Cet ami lui prendra la seule femme qu’il ait aimée jusque-là, celle à qui, depuis le premier jour de leurs aveux, il était demeuré fidèle. Ce poète que chacun envie, dont les succès ont l’éclat de la fanfare et qui triomphe maintenant avec Notre-Dame-de-Paris, est devenu l’homme le plus malheureux du monde. Il eût sombré s’il n’avait trouvé près de lui ses enfants – et s’il n’avait eu son œuvre à poursuivre. Il eût sombré si, aux répétitions de sa pièce Lucrèce Borgia, il n’avait découvert une jeune comédienne de vingt-six ans, belle et facile, qui lui avait révélé que la passion peut naître aussi du contact de deux corps.

La rencontre avec Juliette Drouet reste sans doute l’épisode majeur d’une vie amoureuse dont la richesse ne cesse de susciter l’étonnement – et quelquefois l’envie – des biographes. Elle et lui avaient cru à une aventure éphémère. Après leur première nuit, ils ont compris qu’ils étaient inséparables. Alors cette comédienne de médiocre talent, qui tenait au luxe que lui avaient procuré jusque-là des amants toujours épris, s’est choisi un sort qui, aujourd’hui encore, suscite autant notre admiration que notre épouvante. Elle a tout abandonné : le théâtre, son aisance, ses meubles, ses toilettes, ses bijoux. Elle est allée se loger dans deux pièces misérables. Et là, recluse volontaire, elle a attendu. Chaque jour, elle ne vivait que pour les quelques instants, en fin de soirée, que lui accordait son amant. D’autres femmes entrent en religion. Juliette Drouet, elle, était entrée dans la religion de Victor Hugo.

Elle est aussi son inspiratrice. Elle fait naître chez Hugo la poésie de la passion. On la retrouve à bien des pages des Chants du crépuscule. Leurs étreintes dans les bois qui longent la vallée de la Bièvre, il les livre au public avec une impudeur qui ressemble à de l’orgueil. Mais cette fille du peuple – aussi – va lui parler du peuple.

Il est impitoyable, cet âge industriel qu’a vu naître et s’épanouir le XIXe siècle français. Pour ces millions de paysans arrachés à leurs champs au profit des fabriques qui partout s’édifient aux portes des villes, il n’existe aucune protection. Que le travail vienne à manquer, on les renvoie à leurs taudis : nul secours, nulle indemnité d’aucune sorte. La maladie d’un ouvrier a pour corollaire une famille tout entière affamée. Il ne faut pas croire cette société plus impitoyable qu’elle ne l’a été. Devant ce sort qui est celui de tant d’hommes, de femmes, d’enfants, on soupire : quelle tristesse ! Mais l’on ajoute : qu’y pouvons-nous ? La grandeur de Hugo est d’avoir refusé cette résignation et, face à une génération qui trouvait plus commode de fermer les yeux, d’avoir tenu à les garder grands ouverts.

Et c’est pour cela, Messieurs, que Victor Hugo a voulu devenir académicien ! Pour traiter de ce problème social qui lui tenait tant à cœur, il voulait une tribune. Lamartine s’était fait élire député et livrait le même combat. Il souhaitait que Hugo le rejoignît. Mais Hugo - n’étant pas propriétaire – n’était pas éligible. Restait la haute assemblée, la chambre des pairs. Ceux-ci étaient nommés par le roi qui, parfois, désignait des écrivains. Mais Louis-Philippe - nous sommes sous la Monarchie de Juillet – choisissait toujours ces écrivains parmi les académiciens français. Preuve nouvelle, n’est-il pas vrai, de l’intelligence de ce souverain. Puisque Hugo ne pouvait pas se faire élire député, il lui restait à ambitionner la pairie et, pour l’obtenir, il lui fallait être académicien.

Il faut lire, dans les souvenirs d’Adèle Hugo récemment publiés, le récit des cinq campagnes académiques entreprises par son mari. Oui, cinq fois, il s’est présenté ! Et devant cette multiplicité de candidatures qui n’a d’égale que la multiplicité de nos propres incompréhensions, j’ai songé, Messieurs, à interrompre ici mon discours et à réclamer une minute de silence au cours de laquelle nous nous serions levés - tous -et aurions baissé le front en signe de repentir. Et puis j’ai pensé qu’il valait mieux que ces regrets demeurassent au fond de nos cœurs, ce qui fait que nous resterons assis.

La première fois – j’ose à peine le dire – il n’a obtenu que deux voix ! Il est vrai qu’il s’agissait de celles de Chateaubriand et de Lamartine et que n’importe lequel d’entre nous se fût contenté – largement – de ces deux voix-là. Mais tout de même, deux voix !

Les visites ? Son ami Nodier, sur qui il croyait pouvoir compter, lui déclare qu’il donnerait à genoux, lui croyant, sa voix à l’auteur de Notre-Dame-de-Paris, mais qu’il se voit contraint, hélas, de la refuser à l’auteur de Lucrèce Borgia. Alexandre Duval est formel : il ne votera pas pour M. Hugo, attendu qu’il a ressenti une impression sinistre au spectacle de la pièce intitulée Robert Macaire. Hugo, un peu étonné, ose observer qu’il n’est pas l’auteur de Robert Macaire. Voilà qui ne décontenance nullement M. Duval. Il déclare que, sans l’influence pernicieuse de l’école romantique, il n’y aurait jamais eu de Robert Macaire.

Cela ne commence pas bien. Hugo s’en va visiter M. Villemain, nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie. M. Villemain avait naguère écrit des choses charmantes sur les Odes et Ballades. Mais il confie à Hugo qu’il y a deux hommes en lui : l’écrivain qui est tout hugolien et le. secrétaire perpétuel. Et celui-ci doit tenir compte de ce que la candidature
 du chef du romantisme effraie la majorité. Comment lui, organe de l’Académie, pourrait-il se séparer de cette majorité ? Que M. Hugo patiente. La prochaine fois qu’il se présentera, M. Villemain sera heureux de voter pour lui.

M. Thiers, maintenant, qui pour lors est ministre de l’Intérieur. M. Thiers est navré. Navré et déchiré. Dieu sait s’il apprécie M. Hugo. Mais M. Molé se présente. Or M. Molé tire à boulets rouges sur le gouvernement auquel M. Thiers appartient. Il faut donc qu’il ait, lui, Thiers, l’élégance de voter pour son adversaire. Sûrement, M. Hugo le comprendra. « D’ailleurs, ajoute M. Thiers, ma voix sera perdue. C’est M. Dupaty qui sera élu. »

Casimir Delavigne, lui, va droit au but :

– Vous connaissez sans doute les statuts de l’Académie. Nous ne pouvons engager notre voix ni révéler pour quel candidat nous votons.

– Aussi ma demande, répond Hugo, n’est-elle qu’une simple formalité.

S’engage alors qu’une conversation de laquelle il ressort que Casimir Delavigne a rencontré M. Molé aux eaux. Il lui a trouvé « de l’esprit et les manières de l’ancien monde ». Par ailleurs, il a lu le livre de M. Molé intitulé le Pouvoir et a jugé qu’il était écrit très purement. Ce livre lui a plu. Beaucoup. C’est ce que M. Delavigne appelle garder le secret du vote.

M. Scribe se déclare trop admirateur de Racine et des classiques pour ne pas s’opposer de tout son pouvoir à l’envahissement de l’Académie par le romantisme.

– Entre vous, M. Victor Hugo, promoteur des idées nouvelles, et M. Dupaty, gardien des saines doctrines, j’opte pour M. Dupaty !

M. Dupin, avocat libéral et président de la Chambre déclare qu’il ne connaît pas M. Victor Hugo mais que peut-être il lira d’ici l’élection un livre de lui. M. Viennet lit à Hugo une scène de sa tragédie Argobaste. Compliments de Hugo. Viennet se penche vers lui : ne pourrait-il pas l’aider – en confrère – à faire représenter sa pièce à la Comédie-Française ? Hugo déclare qu’il a tout juste assez d’influence pour faire jouer ses propres œuvres. Viennet se rembrunit. Hugo n’aura pas sa voix.

Quelle chance nous avons, Messieurs, de vivre en un temps où les candidats à notre Académie ne sauraient plus être exposés jamais à de tels coups ! Tout a changé, et nous en remercions le sort.

 Le dernier de ceux qui reçurent Hugo n’était autre que Chateaubriant. Il se leva, lui prit la main et dit :

– Tant que vous vous présenterez, je ne nommerai que vous. Il y aurait dix tours de scrutin que les dix fois j’écrirais votre nom. Si vous n’avez qu’une voix, ce sera la mienne.

C’est le 18 février 1836 qu’il a pour la première fois fait acte de candidature. C’est le 7 janvier 1841 qu’il est élu. Le même Chateaubriand lui écrit : « Vous ne devez rien à personne, monsieur, votre talent a tout fait. Vous avez mis vous-même votre couronne sur votre tête ».

Le jour de sa réception, au premier rang de l’assistance, Juliette Drouet s’était assise. Quelques rangs derrière elle on se montrait Mme Hugo entourée de ses quatre enfants, la dernière, Adèle, étant née au son du canon pendant les Trois Glorieuses.

Hugo les aimait tous, ses enfants. Il n’est que de lire ses carnets pour en trouver la preuve. Mais la préférée restait Léopoldine, fine, jolie, intelligente. Quand elle avait épousé Charles Vacquerie, armateur normand, Hugo avait souffert mille morts. Ce père adorateur ne supportait pas l’idée d’être séparé de cette petite fille si chère à son cœur. Pour le consoler, Juliette l’avait emmené en Espagne. Au retour, attendant la diligence à Rochefort, ils étaient entrés dans une salle d’auberge. Il faisait chaud, ils avaient commandé une bouteille de bière. Hugo était enfoui derrière le journal le Siècle. Tout à coup, Juliette avait entendu un gémissement profond. Lentement, il avait baissé les feuilles imprimées. Elle l’avait vu livide, la sueur lui coulant sur le visage. Incapable de parler, il lui avait montré un titre : « Mort accidentelle de la fille de M. Victor Hugo ». Naviguant sur la Seine à Villequier, avec son jeune mari, le bateau s’était retourné. Ils étaient morts noyés tous les deux. Morte, Léopoldine ! Et c’est par un journal qu’il l’apprenait !

Désormais, dans la vie de Hugo, il y aura avant Villequier et il y aura après Villequier. Jusqu’à son dernier souffle, l’ombre légère et charmante l’accompagnera, d’abord blessure atroce saignant à son flanc, puis douce présence qui assombrira tous ses élans et ternira tous ses rires. Elle sera, Léopoldine, au centre de son plus grand ouvrage poétique, Les Contemplations. Et c’est l’occasion pour moi, en notre nom à tous, de demander à M. Pierre Dux de lire ici quelques-uns des plus beaux vers consacrés par Victor Hugo à Léopoldine, tant aimée.

Ici, M. Pierre Dux lit : « Demain dès l’aube... »

Avant Villequier. Après Villequier. C’est un homme meurtri que Louis-Philippe a fait pair de France. Un homme en quête de lui-même. Matériellement, le succès de ses œuvres l’a mis à l’abri du besoin. Dans
 les années 40, il écrit peu, publie moins encore. C’est le temps d’aventures amoureuses aussi nombreuses qu’éphémères, signe confirmatif d’un homme qui se cherche.

La plus aimée des rivales de Juliette se nomme Léonie Biard, épouse d’un peintre sans talent. Il la rencontre dans une chambre meublée du passage Saint-Roch. C’est là, en une aube sordide, que le commissaire de police heurte à la porte : M. Biard a porté plainte. Flagrant délit !

Que reste-t-il de la gloire de Victor Hugo ? Les journaux évoquent la honte de cet académicien, pair de France, dont la maîtresse, à peine habillée, a été conduite à la prison de Saint-Lazare, parmi les voleuses et les prostituées. On dit, on pense, on écrit que l’auteur des Feuilles d’automne ne se remettra pas de ce coup. Fini, M. Victor Hugo. Lui, cloîtré, terré, commence à écrire les Misérables.

« La France est élastique, soliloque Lamartine. On se relève de tout, même d’un canapé. » Ce qui le rend à lui-même, c’est son œuvre, encore ; c’est aussi son combat pour que les hommes apprennent à s’aimer mieux. Député conservateur en 1848, il s’étonne que la République se préoccupe si peu de ceux qui souffrent. Il condamne les journées de juin, marche sans peur à la tête des forces de l’ordre contre les barricades. Il stigmatise la révolte parce que le peuple, dès lors qu’il vote, n’a plus de raison de s’insurger. Mais lorsque la répression se lève, intolérable, il vole au secours de ceux qu’il condamnait. Du coup, le voilà chargé de nouveaux ennemis. Il défend la candidature de Louis-Napoléon parce qu’il croit en ce bonapartisme social que le neveu de l’Empereur est venu lui expliquer jusque chez lui. Mais lorsqu’il estime que ce neveu-là ne tient pas ses promesses, derechef il le crie, accroissant sa solitude et la foule de ceux qui le conspuent.

Au 2 décembre, il se bat, dictant les textes d’affiches fulgurantes, appelant – en vain – le peuple à la révolte, se campant contre Napoléon­le-Petit sur les barricades, comme s’il prenait l’histoire d’assaut. L’exil l’attend et, contre lui, un nouveau déferlement. Quatre-vingt-dix pour cent des Français approuvent Napoléon III. Comment ne détesteraient-ils pas ce poète qui vaticine à Bruxelles, à Jersey, à Guernesey ? Les Châtiments sont un chef-d’œuvre, mais la France n’est pas prête à accueillir ces vers qui la dérangent. La France, décidément, divorce de Victor Hugo.

Et tout à coup voici que paraît un livre qui n’a plus rien à voir avec la politique : les Contemplations. Ce qui frappe, c’est la palette du poète, si large déjà et qui semble s’agrandir encore. L’ombre d’une petite fille passe – tout est tendre et grave. Et soudain son inspiration s’imprègne de nuit. Elle devient réflexion, ample et âpre, sur la vie, sur la mort, sur l’homme face à l’éternité. De l’abîme où Hugo plonge son lecteur, ce qui surgit c’est l’espoir parce que la grande voix de Dieu a parlé.

On s’arrache les Contemplations. Soixante mille exemplaires vendus en un an ! C’est l’admiration qui l’emporte. Et la France lui revient. Triomphe du génie.

L’un des plus émouvants passages des Contemplations s’intitule : la Bouche d’Ombre. Et il est vrai que l’ombre lui a parlé. Et il est vrai que ce qu’il a cru entendre, c’est la voix de Dieu. À Jersey, Mme de Girardin lui a appris à évoquer les esprits. Avec une sincérité immense, bouleversante, il a cru que ces esprits venaient à lui. Pendant deux années entières, son fils Charles, médium incontestable, a recueilli des messages dont la famille Hugo, tout entière, a cru qu’ils venaient de l’au-delà. Nul ne pourrait comprendre Hugo s’il ne le voyait tel qu’il fut désormais : escorté par la présence quasi physique de Dieu auprès de lui, priant à chaque instant de sa journée, interrogeant, implorant cette divinité si proche et qui pourtant le fuit. Relisons les messages que lui ont dictés – croit-il – Dante, Shakespeare ou Jésus-Christ. Il s’acharne à y découvrir le secret de la vie et de la mort. Chaque nuit, des « esprits » heurtent aux murs de sa chambre, se glissent autour de son corps endormi, soufflent sur son visage. De ces rencontres sans exemple naîtront deux grandes œuvres alors incomprises et dont nous mesurons aujourd’hui la véritable place : Dieu et la Fin de Satan.

Pour le voir vivre en exil, il faut se rendre à Guernesey, pénétrer dans la folle demeure qui est sortie de son génie comme un autre de ses chefs-d’œuvre. Il faut grimper jusqu’à cette chambre de verre qu’il a fait édifier sur son toit et qu’il appelle son look-out. Là, face à la mer, il s’est campé pour l’éternité, écrivant debout à sa tablette noire et accumulant les chefs-d’œuvre. C’est à Guernesey qu’il achève les Contemplations, à Guernesey qu’il compose la Légende des Siècles, qu’il achève les Misérables, donne corps aux Travailleurs de la mer, à l’Homme qui rit, ainsi qu’aux Chansons des rues et des bois. Œuvre immense, sans égale, reçue par les Français avec la gratitude éperdue qu’ils savent exprimer quand ils ont la certitude de rencontrer la grandeur.

Les ennemis subsistent, innombrables. On l’injurie toujours, on le diffame, on le calomnie. Face à la mer, il poursuit son labeur de titan. Et la meilleure réponse qu’il puisse donner à ses détracteurs, c’est de leur jeter à la face ses propres héros. Les personnages des Misérables – comme ceux de Notre-Dame-de-Paris – sont entrés dans le Panthéon de l’esprit humain. Un Américain d’aujourd’hui ne connaît pas Louis XI, mais il sait qui est Quasimodo. Un Chinois d’aujourd’hui ignore Louis-Philippe mais Jean Valjean lui est familier, ce Jean Valjean qui vit parmi nous, comme vivent les Thénardier, Javert, Gavroche, Marius, Cosette. Traduit dans toutes les langues, le plus grand roman de langue française est devenu l’une des œuvres les plus lues dans le monde. Et il est bon qu’elle le soit, car Hugo enfin a pu crier ce qui, depuis longtemps, lui brûlait les lèvres, à savoir qu’il faut condamner l’ignorance parce que c’est d’elle que naît la misère et qu’il faut condamner la misère parce qu’elle secrète la prostitution autant que le crime. Apôtre de l’abolition de la peine de mort, à trente ans, il écrivait déjà : « Cette tête de l’homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n’aurez pas besoin de la couper ». Il est resté fidèle à lui-même, aux hommes qui ont faim, aux femmes injustement déchues, aux enfants qui souffrent.

Alors que lui-même s’était replié sur son œuvre, la jeunesse du Second Empire a découvert le pamphlétaire dédaigné par la génération précédente : dans les lycées, on lit Napoléon-le-Petit, on se récite les vers des Châtiments. Ainsi un homme seul qui s’appelle Hugo devient-il le guide d’une opposition qui bientôt balaiera un régime. Depuis longtemps Napoléon III avait grâcié tous les exilés. Presque tous ils étaient rentrés. Sauf lui, le vieil Hugo qui, dressé sur son rocher, avait clamé :

Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

Il a tenu parole. Le 4 septembre 1870, à la nouvelle de Sedan, Paris s’insurge contre l’Empire. Le 5, avec ses enfants et ses petits-enfants, Hugo prend à Bruxelles le train pour Paris. En route, il pense au fiacre qu’il lui faudra trouver pour gagner le domicile de son ami Meurice. Il découvre la gare du Nord noire de monde, une cohue qui déborde sur la place et les rues alentour. Cent mille hommes et femmes bouleversés qui crient :

– Vive Victor Hugo !

On chante la Marseillaise et le Chant du départ. On clame des vers des Châtiments. Il note : « J’ai donné plus de dix mille poignées de main ». On veut dételer sa voiture. Il refuse. On veut le mener à l’Hôtel de Ville. Il refuse. Hors quelques généraux vainqueurs, qui reçut jamais l’accueil que Paris, ce soir-là, a réservé à un poète ?

Légaliste réaffirmé, il condamnera la Commune et se verra honni de la gauche. Mais quand commence l’inqualifiable répression de Thiers, le vieil homme, fidèle à lui-même, appelle à la clémence. Il supplie que l’on oublie, que l’on pardonne, que l’on s’aime. Du coup, la droite le voue à l’exécration. Nouveau divorce.

Comme naguère, la réconciliation devra tout au génie. Son roman Quatre-vingt-treize lui conquiert tous les esprits, l’Art d’être grand-père tous les cœurs. Les vieilles, haines sont reléguées. La génération nouvelle, comme celle qui l’a précédée, se gorge des splendeurs de l’œuvre hugolien. A l’école, les enfants apprennent ses vers. On joue sans cesse ses pièces. Les Misérables, les Travailleurs de la mer, Quatre-vingt-treize, réimprimés sans relâche, sont dans toutes les familles. Les jeunes poètes le lisent pour devenir meilleurs. Il a déconcerté tous les partis, Hugo et, à quelque moment, tous les partis lui en ont voulu. Ils ont fini par comprendre que cet homme-là n’était pas né pour s’enfermer dans un carcan politique, qu’il s’était édifié son propre credo, celui de toutes les libertés, celui du droit et celui de l’homme – et qu’il lui avait voué un exemplaire de fidélité. On comprend que cet homme-là porte en lui-même une incomparable lumière et que, d’en recevoir quelques rayons, tous s’en trouveront grandis. Son portrait se voit partout. On s’attendrit devant ses cheveux blancs, sa barbe blanche. Ses petits-enfants Georges et Jeanne sont passés à l’état de mythe !

Et pourtant, il est toujours sur la brèche, le chantre de l’humain. Qu’on lui signale en Russie des Juifs persécutés ou en Amérique des Noirs inhumainement traités, il réclame pour eux justice. Qu’on lui montre une minorité à qui l’on refuse ses droits, la grande voix s’élève pour parler de liberté. Le jeune Romain Rolland avait dix-sept ans quand il l’a rencontré. Il n’a jamais oublié. Pour lui comme pour tous ceux de sa génération, Hugo « s’était institué le gardien de l’immense troupeau des hommes... Nous, les millions, nous écoutions ses lointains échos avec piété, avec fierté. Sa gloire était, de toutes celles des lettres et des arts, la seule qui fût vivante dans le cœur du peuple de France ».

Lorsqu’il entre dans sa quatre-vingtième année, six-cent mille personnes défilent devant sa maison de l’avenue d’Eylau, rebaptisée avenue Victor-Hugo. Six-cent mille ! Juliette Drouet n’a plus qu’à mourir. Ce qui lui advient en 1883. Deux ans plus tard, à son petit-fils Georges et au jeune Léon Daudet, Hugo dit un jour :

– La terre m’appelle.

Quand son fils est venu lui rapporter ce propos, Alphonse Daudet a dit :

– C’est qu’il le sait.

Dans son agonie, on l’a entendu murmurer un vers - le dernier qu’il ait composé :

C’est ici le combat du jour et de la nuit.

Telle est l’œuvre de Victor Hugo, claire et limpide, étalant ses beautés en pleine lumière, pour triompher justement de la nuit. Œuvre née d’une inspiration que l’on peut bien dire totale. Celle qui lui fait user aussi bien du martèlement des alexandrins les plus sonores que de l’agilité ravissante de délicieux octosyllabes. Celle qui peut évoquer avec le même
 bonheur les casques de bronze, les épées d’airain mais aussi le bruissement des sources, le chant de la brise dans les feuilles.

Telle est la vie de Victor Hugo, unie en ses contrastes, logique en ses oppositions, exemplaire malgré ses ombres, sorte de phénomène cosmogonique proche des inquiétudes mais aussi des certitudes d’un siècle qui se cherche.

Entrant dans sa quatre-vingtième année, lorsqu’il se rendit au Sénat dont il était membre, le président Léon Say déclara :

– Le génie a pris séance et le Sénat le salue de ses applaudissements.

En vérité, ce n’est plus seulement au Sénat que le génie hugolien a pris séance. C’est parmi nous tous qui vivons aujourd’hui. Dormez en paix, Victor Hugo, en ce Panthéon où vous ont conduit deux millions de Français. Votre gloire après cent ans est mieux que vivante : à chacune de nos rencontres, nous vous voyons plus grand. Votre ombre nous accompagne, démesurée mais protectrice. Et nous savons que, si vous n’aviez pas existé, vous manqueriez à la France.