Une histoire d'amour. Discours pour la célébration du 300e anniversaire de la première publication du Dictionnaire de l’Académie française

Le 26 mai 1994

Maurice DRUON

Une histoire d’amour

par
M. Maurice DRUON
Secrétaire perpétuel

 

Messieurs,

Au matin du mardi 24 août 1694, veille de la Saint-Louis, M. de Toureil, directeur en exercice ce trimestre-là, se rendit à Versailles escorté d’un petit nombre d’académiciens. Ils y rencontrèrent M. le duc de Coislin, qui prit parmi eux sa place de sous-doyen de la compagnie. Le Roi les reçut au sortir de son prie-Dieu, et les fit entrer dans son cabinet, disant qu’ils s’y trouveraient mieux.

M. de Toureil alors tourna un joli compliment d’où il ressortait que le Roi servait d’exemple à l’Académie en ce qu’il enrichissait et perfectionnait la langue chaque fois qu’il parlait, ce qui n’était d’ailleurs pas faux, car Louis XIV usait du meilleur, du plus précis, et plus élégant français qu’on employât en son temps.

Et M. de Toureil lui présenta deux gros volumes in-folio, vêtus de maroquin rouge frappé aux armes de France. Le Roi répondit : « Messieurs, voicy un ouvrage attendu depuis longtemps.. » Peut-être y avait-il là une petite rosserie car « l’ouvrage » n’était en chantier que depuis quelque soixante ans. Et il enchaîna : « Puisque tant d’habiles gens y ont travaillé, je ne doute point qu’il ne soit très beau et fort utile pour la langue. Je le reçois agréablement ; je le lirai à mes heures de loisir, et je tâcherai d’en profiter. »

Le Dictionnaire de l’Académie française venait de voir le jour.

Après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, par laquelle, en un de ses articles, François Ier signait l’acte de mariage notarié entre le Royaume et la langue française, après les Lettres patentes de 1635, créant l’Académie française, par lesquelles Louis XIII dotait la langue, princesse un peu échevelée, d’une maison où ducs, clercs, docteurs, gens de robe et de plume se partageaient les offices, la publication de 1694 constituait le troisième événement, le troisième point d’une droite qui se poursuit jusqu’à nous, et se poursuivra, prions-en Dieu, longtemps encore. Le premier enfant du mariage était né.

Le centenaire de cette naissance, en 1794, a-t-il été célébré ? On aurait été bien en peine de le faire. Les académiciens étaient dispersés, se terraient, ou venaient à peine d’être extraits des prisons où ils croupissaient, quand ils ne s’y étaient pas suicidés. La Convention avait voté la suppression de l’Académie, à la suite d’un rapport de l’abbé Grégoire qui se terminait par cette envolée magnifique : « Le véritable génie est sans culotte.. »

Nous ne saurions voir là le premier des titres qui valurent à l’abbé l’honneur d’avoir ses cendres transférées au Panthéon.

Le deuxième centenaire ne fut pas davantage célébré. En 1894, la République avait des soucis plus pressants. Honorer la langue française ne semblait pas appeler à une manifestation particulière, car chacun, dans la nation et dans l’Europe entière, l’honorait par l’usage même qu’il en faisait. Son enseignement était au plus haut degré dans une école qui allait former l’héroïque génération des instituteurs de 1914, celle qui, avant de tomber sur les champs de bataille, avait su transmettre, en même temps que les règles du juste emploi des vocables, la lecture de nos grands écrivains, la connaissance de nos institutions, et la mémoire des hauts faits de notre histoire collective.

Il n’en va plus de même aujourd’hui. Notre langue n’est plus à l’abri des incertitudes. Nous constatons qu’elle perd, non par elle-même mais par l’emploi qui en est fait, sa perfection. Elle se délite ; elle se pollue sous nos yeux et à nos oreilles, non seulement parce que le racolage publicitaire ou le laisser-aller médiatique la persillent de termes venus de l’extérieur, non seulement parce que la vanité de diverses fausses sciences la fait dériver vers des jargons détestables, mais aussi parce que, depuis quelques décennies, les méthodes de son apprentissage ont été systématiquement et dramatiquement modifiées.

Ainsi la dictée et la récitation ont-elles été frappées d’ostracisme scolaire, sous l’imputation d’être « anxiogènes ». Je n’ai pas souvenir, Messieurs, qu’il ait fallu, jadis, nous administrer des tranquillisants quand on nous faisait reproduire quelques paragraphes de Jules Michelet ou réciter une fable de La Fontaine.

Or, les détériorations qui affectent la langue française se produisent au moment où les peuples qui la partagent, et qui composent le quart des Nations Unies, se sont groupés à cause d’elle, et tendent de plus en plus à s’unir autour des valeurs dont elle est porteuse ou symbole.

Ne pas veiller sur ce trésor monumental, ne pas le garder en lumière, ne pas le restaurer lorsqu’il se dégrade ne serait pas seulement insouciance ; ce serait crime.

Aussi avons-nous décidé la présente séance, afin ,de rappeler solennellement, devant des invités choisis, que le Dictionnaire, construit de matériaux premiers et solides, est le mur porteur de tous nos échanges écrits ou oraux, de toute notre littérature juridique, économique, scientifique, ou de création imaginaire.

Vous me laisserez ici, Messieurs, remercier en notre nom Monsieur le Premier Ministre qui, à maintes reprises déjà, nous a marqué l’intérêt particulièrement attentif qu’il portait à notre Compagnie, et dont la présence aujourd’hui encore, aujourd’hui spécialement, nous témoigne que le maintien de notre langue, dans sa qualité comme dans son rayonnement, est pour lui et pour son gouvernement affaire vraiment nationale.

Je saluerai également, sous cette Coupole, les représentants diplomatiques ou académiques de vingt-huit pays, et qui nous prouvent, certains, venant de très loin, leur attachement à un mode d’expression qui leur est familier et qui reste, grâce à eux, universel.

Oui, qualité de la langue ! Si j’osais déclarer aujourd’hui qu’il nous faut la « nettoyer des ordures qu’elle a contractées », peut-être me reprocheriez-vous d’user, comme j’ai penchant à le faire, d’une véhémence un peu rude. Or ces mots, on les attribue à bon droit au baron de Pérouges, seigneur de Vaugelas, et ils furent un des motifs qui dictèrent au cardinal de Richelieu la création de l’Académie.

Un autre de nos premiers prédécesseurs, et avant même que la Compagnie ne fût instituée, avançait que sa tâche serait de « régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire ».

Cette œuvre prit donc soixante ans. Vaugelas, que sa science et son goût firent appeler « le greffier de l’usage », dirigea la rédaction des six premières lettres, et il donna le ton. D’autres dictionnaires parurent à l’époque, car l’enfant que nous fîmes à la langue eut toujours des frères plus ou moins adultérins et plus ou moins légitimés. Ainsi, franchement adultérins, les Essais d’un dictionnaire universel que Furetière, qui était de l’Académie, fit paraître un peu avant le nôtre, ce qui lui valut d’être exclu de nos rangs. Légitimé, celui des Arts et des Sciences, composé par Thomas Corneille, lui aussi académicien, mais à qui la Compagnie donna son aval.

Les choses se sont poursuivies de la sorte, jusqu’à nos jours. Parmi les « légitimés », puisque l’Académie s’ouvrit à son auteur, le plus remarquable est, incontestablement, le Littré, qui nous reste de constant et précieux service.

Les grands usuels, tels le Larousse et le Robert, sont des cousins naguère très proches, mais qui tendent à s’éloigner, parce que, s’ouvrant un peu vite au vent des modes, ils obéissent à la tendance qui fit condamner Furetière : vouloir tout enregistrer, y compris ce qui vient de naître chez les nouveaux précieux, fût-ce les plus ridicules, comme ce qui court dans les ruisseaux. Les mots n’y sont plus assez soumis au jugement.

Pour ce qui est de tout réunir, rassembler, classifier, analyser, commenter, de ce qui compose et composa le langage au long des siècles, il y a, œuvre récente, le Trésor de la langue française, ce Gargantua de la lexicographie, abreuvé, en bon nourrisson du C.N.R.S. d’un lait spécialement riche, répertoire vraiment gigantesque, et aujourd’hui quasiment achevé, qui compte déjà quinze lourds volumes dont les ordinateurs faciliteront la consultation comme ils en ont facilité l’élaboration.

Le caractère commun à tous les grands dictionnaires est la passion de ceux qui les confectionnent. Chacun tient à son œuvre avec une opiniâtreté exclusive et admirable. Chacun y connaît les espoirs, les impatiences, les exigences, les dépits, les découragements, les renouveaux d’ardeur, les enthousiasmes, les jalousies, les soirées sombres et les matins heureux qui sont ceux d’une histoire d’amour. La langue française inspire et provoque ces sentiments. Ah ! qu’il faut d’assiduité pour la conquérir, ou seulement pouvoir croire qu’on l’a conquise !

Revenons à ces Messieurs de la première Académie qui eurent à faire les approches de la belle. Comment procéderait-on ? Avec des sourires complaisants, ou une autorité tranchante ? Quels joyaux ferait-on briller devant ses yeux, ou quelles promesses d’établissement ? Tout était à découvrir, tout était à inventer. Nous n’avions guère été précédés, en fait de dictionnaires unilingues, que par celui de l’Académie florentine de la Crusca, paru au début du siècle.

Vaugelas, toujours lui, assura qu’on devait définir l’usage — il entendait le bon — conformément à « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour et à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps », sans oublier tout à fait « les gens savants en la langue ». Ainsi, dès le début, marquions-nous à la fois respect et distance à ceux qu’on appelle aujourd’hui les linguistes.

« Tout le secret pour acquérir la perfection de bien écrire, concluait Vaugelas, ne consiste qu’à joindre ces trois moyens ensemble. » Il établissait la méthode qu’il faudrait appliquer. Nous continuons de nous y évertuer, ce qui n’est pas toujours facile.

Pour ce qui est de « la plus saine partie des auteurs », Chapelain proposa qu’on inscrivit des citations ; et l’on dressa un catalogue où se rencontraient Montaigne, Ronsard, du Bellay, Honoré d’Urfé, Malherbe, Mathurin Régnier. Chapelain ne disposait pas d’ordinateurs. Devant l’immensité d’un tel dépouillement, et pour ne devoir citer trop ses propres membres, l’Académie renonça. Elle décida de forger elle-même les exemples d’emploi. D’édition en édition, elle en supprime qui sont par trop désuets ou qui prêteraient à sourire ; elle en invente de mieux adaptés au temps. Elle en maintient, qui traversent les siècles.

Ouvrez au hasard, comme je m’y plais parfois, la seconde édition, dont les rédactions ne sont guère différentes de celles de la première. Je m’arrête sur le mot détortiller. Je lis : « Deffaire ce qui estoit tortillé ; le remettre dans le premier état où il estoit. Détortillez ce ruban, ce cordon. Je ne scay comment vous avez tortillé cela. Je ne sauroy le détortiller. »

Prenez la partie de la neuvième édition, que nous venons de faire paraître, trois cents ans après. Et lisez : « Défaire ce qui est tortillé ; remettre en son état premier ce qui a été entortillé. Détortiller un ruban, un cordon, un lacet. »

Mais si, en revanche, on passe à devoir, que de modifications, de remplacements, d’enrichissements ! Devons-nous nous reprocher de n’avoir pas gardé : « Va où tu peux, mourir où tu dois » ?

Les mots avaient été groupés par familles ; et Paul Valéry semblait encore regretter ce classement qui était certes satisfaisant pour l’esprit, mais fort mal commode pour la consultation.

Ce fut à partir de cette deuxième édition, celle de 1718, à laquelle je me référais à l’instant, que l’on adopta l’ordre alphabétique.

Et la manière même d’écrire les mots ? Et leur genre ? Pourquoi, à l’unanimité, décida-t-on que dialecte était du genre masculin, que nous appelons aujourd’hui, plus proprement, le non-marqué, et horloge du genre féminin ? L’usage, Messieurs, l’usage constaté par de bonnes oreilles écoutant « la partie la plus saine de la Cour ».

Que de débats, dès l’origine, à propos de l’orthographe ! Chaque plume jusque-là courait à sa guise, truffant les mots de lettres inutiles, ou omettant les plus nécessaires. Nous pouvons nous représenter l’Académie se consultant elle-même sur tous les cas qui pouvaient donner lieu à litiges : consonnes simples ou doubles, manière de noter le é fermé, la place du tréma qu’on mettait alors sur le u de aigüe, d’où il fut plus tard déplacé et où nous l’avons récemment remis. Fallait-il conserver le p étymologique dans la graphie de temps, et supprimer, ce qui fut fait, le b inutile dans ce debvoir que je viens d’évoquer ?

On a oublié que de fort bons esprits, mais un peu trop épris de facilité, conseillèrent, à l’époque déjà, une orthographe phonétique.

Pour opérer les révisions, on distribuait à chaque académicien les cahiers contenant les mots d’une même lettre, afin qu’ils y portassent leurs observations que l’on comparait ensuite et collationnait, avant d’arriver à la formulation sur laquelle on s’accordait ; et l’on remettait, comme on disait « les cahiers dans la cassette pour être réduits en ordre tel qu’il le faut pour être imprimés ». C’est ainsi que nous procédons de nouveau aujourd’hui à la Commission du Dictionnaire.

La troisième édition, en 1740, supprima nombre de lettres qu’on avait cessé de prononcer. La suivante, celle de 1762, qui fut la plus hardie en matière d’orthographe, généralisa, parmi bien d’autres réformes, l’emploi de l’accent grave, et remplaça le z par le s, dans le pluriel des mots se terminant en é.

La cinquième édition, qui fut publiée en 1798, est une étrangeté. L’Académie, en principe, n’existait plus. Elle était remplacée par une simple « classe » de l’Institut. Et pourtant un Dictionnaire de l’Académie française parut, dont la seule originalité consistait en un supplément qui dressait la liste des mots imposés par le nouvel ordre social, à commencer par ceux du calendrier républicain.

Si l’on ne pouvait se passer du Dictionnaire, cela prouvait bien qu’on ne pouvait se passer non plus de l’Académie qui l’établissait. Elle fut rétablie progressivement, et consacrée de nouveau dans sa légitimité de cour supérieure, en 1816.

Les quarante Pénélope se remirent à la tapisserie.

C’est à Abel-François Villemain, le fameux Villemain, élu à l’âge de trente ans, et qui fut secrétaire perpétuel pendant trente-cinq ans, dont neuf, simultanément, comme ministre de l’Instruction publique, et trois dans un asile d’aliénés, qu’il revint, dans la préface de la sixième édition, de rectifier les outrances de la cinquième.

« Les choses humaines ne marchent pas ainsi. Il nous suffit, écrivait-il, que la langue, instrument de la pensée française, ne soit jusqu’à ce jour ni impuissante ni faussée, et que la magnificence, la mélodie, la précision, la gravité qu’elle peut encore atteindre soient attestées par des exemples que citera l’avenir. »

Dans cette sixième édition, on modifia l’orthographe des mots où la syllabe oi, jadis prononcée oué, « françoué », était devenue ai : « français » dans la prononciation usuelle, afin que la lecture s’alignât sur l’oreille. Ce changement affectait des milliers de vocables et de temps verbaux.

La septième édition, parue en 1877, s’ouvrait à plus de deux mille mots nouveaux parmi lesquels décentralisation, déterminisme, dualisme, dynamisme, égalitaire, humanitaire, socialisme, mais aussi steamer, tramway, tunnel.

Il se produisit à partir de là un phénomène assez surprenant. L’attention, durant la seconde moitié du XIXe siècle, avait été si fort portée sur l’orthographe, l’instruction primaire s’était si bien attachée à l’enseigner, et les arrêts de l’Académie étaient si hautement considérés comme tables de la loi qu’on se mit à tenir pour sacrilège d’y jamais rien changer. L’Académie elle-même était comme ligotée par l’excellence de son travail et le crédit dont elle jouissait.

Si, dans l’édition de 1935, la huitième, elle modifia néanmoins l’orthographe de près de cinq cents mots, ce fut comme en catimini.

Aussi lorsque, voici peu d’années, furent « recommandées » quelques simplifications, suppressions ou harmonisations qui ne portaient guère que sur huit cents mots, quel hourvari cela n’a-t-il pas soulevé !

Quelle tempête pour des trémas, remis à leur place ! Et en pleine guerre du Golfe, cette guerre de l’accent circonflexe devenu facultatif sur voute, où rien ne le justifie !

Reprenant notre calme, nous sommes retournés à nos habitudes et avons déclaré ces « recommandations » admissibles, sous réserve d’être confirmées par l’usage.

Le plus divertissant était que presque toutes les modifications proposées avaient été approuvées, en 1905, par un avis de l’Académie, mais jamais appliquées.

Le péché, sans doute, tenait à ce que cet époussetage était d’inspiration gouvernementale. Il y a toujours eu, et déjà sous la monarchie, une certaine réaction dans nos rangs qui ne peut le souffrir. Nous n’aimons pas que d’autres que nous-mêmes s’occupent de vêtir ou dévêtir notre belle.

Le temps paraît venu de lever là-dessus un coin du voile. L’opération ne visait, au vrai, qu’à bloquer le resurgissement du vieux serpent de mer de l’orthographe phonétique, mais cette fois soutenu par une puissante vague syndicale. Eh bien, cela a réussi au-delà de toute espérance. Après de tels remous pour quelques accents, l’aberration phonétique peut retourner sous les flots, et souhaitons-le pour trois cents ans encore. Et nous continuerons d’être les greffiers de l’usage.

Messieurs, de la place et dans la fonction où vous m’avez porté, j’admire chaque semaine, notamment à la Commission chargée de préparer la publication, le travail et le scrupule, la sagesse et la passion que vous dévouez à donner leur juste sens aux cinquante mille mots que contiendra ce qu’on peut désigner comme le Dictionnaire de l’an 2000.

Quel ouvrage bénéficie-t-il d’un tel concours de compétences, où le théologien et prédicateur fameux, le grand philosophe, l’illustre médecin, le savant qui fit progresser la biologie, la plus haute autorité en langue ancienne, le romancier qui fut universitaire, l’historienne d’un quart de la planète, le grand reporter qui a parcouru cette planète en tous sens, l’écrivain qui se souvient d’avoir été diplomate, le critique non seulement des livres mais des mœurs, le mystique qui est aussi pamphlétaire, le juriste qui se cache sous l’essayiste, confrontent et unissent leur expérience et leur savoir afin de conserver son ordre au langage ?

Quel dictionnaire bénéficie-t-il d’un tel concours de compétences ?

Qui dit ordre dans le langage dit ordre dans les esprits. Mais nous us savons bien que l’ordre n’est jamais établi. Il est une perpétuelle création, et un équilibre. L’ordre est toujours inchoatif.

Celui qui a vocation à le maintenir, en quelque domaine que ce soit, et par disposition personnelle ou par devoir public, est beaucoup moins un policier qu’un funambule. Il avance sur le fil du temps, tenant un balancier dont l’un des contrepoids est l’autorité et l’autre l’amour des permanences essentielles.

Ainsi sommes-nous, Messieurs, quarante funambules en habit brodé, qui exerçons autorité sur la langue de France et sommes animés pour elle d’un immense amour. Tel est notre mandat, et, peut-être, notre exploit.