Rapport sur les concours de l’année 1869

Le 9 décembre 1869

Abel-François VILLEMAIN

RAPPORT SUR LES CONCOURS DE L’ANNÉE 1869

DE M. VILLEMAIN

SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

 

 

MESSIEURS,

L’émulation littéraire ne faiblit pas en France devant les retours d’activité sociale. Toutes les ambitions de l’âme se touchent et s’appellent l’une l’autre ; et nous ne sommes pas étonnés qu’au milieu du travail des esprits, nos concours attirent de fréquentes études et d’heureux efforts. Chaque année s’accroit cette candidature morale, cette méditation sur le vrai et sur le bien, encouragées par l’œuvre d’un sage. Nous ne pouvons ici même résumer toutes les formes qu’élie a prises, toutes les intentions généreuses qu’elle essaye. Sur tant d’ouvrages présentés nous ne nommerons pas tout ce qui nous a paru digne d’estime, et parfois nous abrégerons même l’éloge le plus mérité. La vérité philosophique, la beauté morale dans les lettres, le devoir dans la vie, ces inépuisables sujets de l’art d’écrire, vont nous offrir encore quelques exemples précieux à désigner ; c’est un premier hommage au souvenir de M. de Montyon.

À ce titre, notre attention s’est arrêtée sur une expression savante des études contemporaines, sur une étude de haute critique, liée à la recherche de vérités premières et d’antiques inspirations du génie. Un livre a été remarqué sous ce titre : le Sentiment religieux en Grèce, d’Homère à Eschyle. Il y avait à chercher là, dans les origines de la société grecque, l’inspiration poétique et le sentiment du courage et du patriotisme, aidant au génie. Ainsi l’histoire de l’art se mêlait à celle de la vie publique, et la poésie avait grandi par la religion. Cette théorie sans doute n’est pas sans objection, tout n’était pas idéal dans les fêtes de la Grèce, et les mystères orphiques n’épuraient pas les Dionysiaques. Mais une part de gravité religieuse se mêla d’elle-même au travail de la pensée et de la voix ; elle inspira le chant des vers, elle dicta les hymnes de triomphes et de douleurs, elle fit le dithyrambe. Ainsi, à côté du chariot de Thespis, le drame grec naquit d’antiques souvenirs et fut entretenu de terreurs et d’héroïsmes, par des songes et des apparitions. En rechercher la trace dans la tragédie grecque, c’est nous montrer la destinée du peuple athénien ; la défaite des Perses n’a pas moins pour cause que pour monument le génie d’Eschyle ; Sophocle avait été amiral athénien, comme il était poëte sublime d’Athènes ; Euripide attendrissait les âmes du peuple par cette pitié qui est la leçon de la philosophie ; Solon mettait en vers les vertus morales ; et l’art devenait ainsi l’instinct même et la règle de la vie.

Nous ne pouvons que rappeler ici avec quel choix d’exemples, quelle sagacité, quelle élévation, l’historien du sentiment religieux dans la Grèce a tracé cette théorie. Parfois il paraît trop affirmer ; mais il plaît par le talent, les souvenirs ingénieux, les allusions, les récits : l’ouvrage est une savante et généreuse lecture. Un prix de 2,500 francs est décerné à l’auteur, M. Jules Girard, maître de conférences à l’École normale supérieure.

Dans un rang égal, à des titres tout différents, l’Académie a désigné un livre d’utilité pratique, un recueil de contes, de simples anecdotes, de récits d’enfants : la Morale familière, par M. Stahl. C’est une lecture préparée pour de jeunes esprits qu’elle veut rendre attentifs et sensés, laborieux et bons. Ce n’est pas seulement une exhortation au bien, c’est l’esprit de l’enfant, l’esprit du jeune homme qu’il s’agit de régler par l’idée toujours présente du travail et du devoir, la justice et les sentiments honorables. Le livre de la Morale familière, c’est la morale en action dans la famille, dans l’étude, dans la société de tout âge. En faisant du travail le but et la dignité de l’être intelligent, l’auteur en fait une force qui le dirige et l’améliore sans cesse. L’éducation de l’esprit se tait eu même temps que celle du cœur. La jeunesse est avertie des défauts de caractère, des erreurs, des négligences, comme elle est formée aux lois de famille, de respect et de reconnaissance. Les sentiments affectueux surtout sont mêlés à la conscience du devoir, et le jeune homme est incessamment affermi dans cette double pensée. Tel est pour nous le mérite de l’ouvrage ; il est mieux qu’un sage conseil et qu’une attachante lecture, il fortifie la voix du père de famille, il rend ses conseils toujours présents, il donne la force d’y répondre. Ce livre salutaire, ces leçons de bon sens, de droiture, de franchise et d’honneur, sont accueillis et honorés du même prix qu’une œuvre élevée de philosophie et de goût ; c’est encore la critique servant au progrès moral de l’âme, et le savoir transformant et ennoblissant les esprits qu’il éclaire.

Une étude moins variée, attentive et sévère dans la forme, vient ensuite. La Philosophie du devoir, par M. Ferraz, est une tradition des nobles pensées que le titre rappelle. Elle est fondée sur la certitude et le besoin de la vérité ; elle ne croit pas à la morale indépendante, mais elle sent et démontre une loi nécessaire. L’esprit de cette loi, étudié dans Platon, dans Cicéron, dans Marc-Aurèle, l’auteur l’a retrouvé, l’a médité de nouveau dans les monuments chrétiens de la société grecque et romaine, puis dans l’action et le travail du monde moderne et le progrès de l’humanité. Il s’est éclairé partout, de saint Augustin à Descartes, à Leibnitz, aux grandes leçons et aux grands exemples de génie et de vertu. L’Académie décerne à cette lecture fortifiante pour l’âme, à cette revue d’études et de souvenirs, au profit de la morale, un prix de 2,000 francs, comme à d’autres ouvrages dont elle aime les recherches savantes et l’accent généreux.

Près de ce livre, elle place l’hommage, la défense, le complet témoignage consacrés à Galilée, par un digne et sincère élève de la vérité, M. Théodore-Henri Martin, déjà désigné par nos prix. Son mérite est ici tout à la fois dans la sagacité et dans la rigueur du vrai. Préparé par la science à comprendre la pensée d’un génie créateur, il a suivi les épreuves de ce génie avec une invariable équité ; il a défendu la liberté dans la science, sans accuser la religion dans l’Église. À côté du zèle persécuteur il a montré l’esprit éclairé, dans un pontife ami des sciences et parfois impuissant à les défendre. Puis il a retracé dans la vie de Galilée cet apostolat de la science, entravé sans titre intimidé ; cette victoire du génie, saisie d’abord et gardée toujours. Les deux procès de Galilée ne sont pas oubliés ; il restera grand par le caractère autant que par le génie, pour avoir été fidèle à la conviction que lui donnait la science. Et la justice rendue maintenant à la modération du pontife attestera, dans l’historien, le courage aussi de la vérité, devant la prévention des souvenirs. Un nom illustre, M. Biot, avait précédé M. H. Martin dans une défense du pape Urbain VIII : que le nouveau défenseur soit honoré de meule aujourd’hui pour son respect de la vérité devant tous.

Le sentiment du vrai dans l’histoire désignait à l’Académie quelques autres études de ce concours. C’est ainsi qu’elle a remarqué un Manuel de l’histoire ancienne de l’Orient qui rappelle le nom d’un érudit illustre. Chercher la vérité dans les inscriptions et dans les ruines, ramener à des souvenirs antiques les récits ornés par le génie des Grecs ou par des conjectures modernes, c’était un travail à faire dans l’état présent des connaissances. Commencer par Israël, rechercher encore l’Égypte, la Perse, l’Assyrie, y réunir des traces d’antiquités découvertes par la sagacité moderne, c’était un digne travail à préparer sur les premiers âges de l’humanité. Sous ce rapport, le Manuel de l’Histoire ancienne de l’Orient, malgré l’expression moderne trop souvent mêlée aux peintures antiques, est un livre instructif et vrai ; l’enseignement doit l’accueillir. L’Académie décerne à ce travail de M. François Lenormant, sous-bibliothécaire de l’Institut, un prix de 2,000 francs.

Près de l’érudition doit se placer, dans cet ordre d’écrits, même la leçon morale mêlée d’imagination. À ce titre, un livre : Scènes d’histoire et de famille, par Mme de Witt, née Guizot, avait frappé beaucoup de lecteurs. Ce n’était pas un mélange du roman et de l’histoire, mais une vive peinture des vérités de la vie à certaines époques et sous de fortes croyances. De là devaient naître de touchantes images, d’éloquentes leçons, du XVIe au XVIIIe siècle ; ce n’est pas une forme du roman historique, c’est un surcroît de vérité dans l’histoire. La France du XVIe siècle est mieux comprise par l’étude des écrits et du zèle de Mme Duplessis de Mornay ; et sa vie de famille, ses soins, l’éloquence de son deuil, complètent une image du temps. Le zèle religieux de Mme de Witt fait partie de cette vérité ; il ne ranime pas des haines, mais il honore des vertus ; et il fait mieux sentir ce que, dans le siècle suivant, la dissidence d’un culte persécuté trouvera de résignation et de force dans l’excès même du malheur. D’autres récits du même recueil, en s’attachant à quelques noms, raniment des souvenirs trop oubliés du siècle même qu’ils devaient illustrer. La gloire momentanée des Français dans l’Inde au XVIIIe siècle, leur bailli de Suffren, leur gouverneur Dupleix, le savoir oriental et la diplomatie de Mme Dupleix dans les troubles de l’Inde, sa fille, et le vaillant officier qui donnait à celle-ci le nom, fameux alors, de Bussy, ce sont là des traits d’histoire à part des événements et du succès : ce sont des caractères qui méritaient de revivre dans un langage expressif et naturel. Le même sentiment de patrie et de religion fait rechercher par l’auteur l’action de la France dans le Canada, et là encore le souvenir est instructif et mémorable sans la durée de l’entreprise.

Un travail moins savant, moins élevé, a été encore choisi par l’Académie comme utile dans sa forme populaire. Ce sont pour les petits propriétaires, les ouvriers, les laboureurs, d’excellents conseils, sous le titre de Veillées de maître Patrigeon. C’est l’étude de la règle, l’emploi du travail et le profit de l’expérience, dans une société laborieuse et inégale. L’auteur, Mme Carraud, fait aimer l’esprit de paix, de justice et d’humanité ; elle aspire au soulagement du malheur par les efforts mêmes qui affermissent la société ; elle a la passion du mieux.

À ces livres de saine raison et d’expérience, à ces leçons sagement populaires, l’Académie a voulu joindre une œuvre d’art et d’élévation morale, une étude poétique animée surtout par l’âme, un drame chrétien : Sainte Cécile, par M. le comte Anatole de Ségur. C’est le martyre de celle dont les traits ont été divinisés par le pinceau de Raphaël. Ce qui distingue cette œuvre, c’est surtout, avec l’expression de la persécution païenne, la pure simplicité du langage, le naturel, la vérité de l’accent. L’Académie décerne à ce poème une médaille comme les précédentes, mais elle v voit une œuvre à part dans l’heureux talent de l’auteur.

D’autres études, d’autres efforts poétiques sur la religion ; étaient présentés. Plusieurs chants consacrés au nom de Velléda offraient, avec un mélange d’incorrections et de négligences, des traits heureux d’imagination et de style. Il n’a point paru cependant que cette étude trop inégale peut être réservée pour ce concours ; et, si elle était présentée de nouveau, il faudrait que ce fût après le scrupule d’un nouveau travail, dont le talent de l’auteur est digne.

Aujourd’hui nous ajoutons à ces prix d’utilité morale un de ces ouvrages de haute littérature, que voulait susciter un généreux fondateur, M. Bordin.

L’Académie désigne, à ce titre, une œuvre savante, ingénieuse, parfois systématique, mais animée d’élégance et de goût, l’ouvrage : du Spiritualisme et de l’Idéal dans la poésie des Grecs, par M. Chassang, maitre de conférences à l’École normale supérieure. Elle n’y trouve pas une étude également éminente sur tous les points ; mais elle y sent une vue rapide de l’imagination grecque. Nulle part le poète Pindare n’a été mieux compris et mieux loué.

L’attention publique est appelée maintenant sur le grand prix d’histoire nationale fondé par le baron Gobert et une première fois décerné à l’Histoire de France, par M. Dareste, doyen de la Faculté des lettres de Lyon et correspondant de l’Institut. Son ouvrage, en 6 volumes, des premiers temps de la Gaule jusqu’au règne de Louis XV, est un abrégé impartial et savant, une étude exacte et rapide dans sa précision, une œuvre sans paradoxes et sans déclamation, attachante par la grandeur du sujet, la variété des tableaux et l’intérêt de quelques vérités prédominantes.

Il n’a point paru qu’on puisse encore opposer à ce travail une œuvre nouvelle, ou plus développée, ou supérieure par des qualités originales.

L’ouvrage de M. Dareste, dans le jugement de l’Académie reçoit de nouveau le prix de savoir, de justesse historique et de talent judicieux, qu’il a si bien mérité, et il reste un exemple de l’estime durable assurée par de tels titres ainsi reconnus.

Le second prix de la fondation Gobert, la médaille attribuée depuis quelques années au même travail, est seul transféré. C’est un événement de notre époque habilement conté qui obtient cet honneur. La conquête de l’Algérie, écrite sur documents officiels et privés, méritait l’attention : c’était une guerre d’humanité et de progrès social ; c’était une œuvre de patriotisme et de prévoyance. La date de l’événement disparaît dans sa grandeur, l’événement lui-même reste une conséquence de l’histoire nationale.

La France du XVIIe siècle avait foudroyé Alger détruire la piraterie, sans interdire l’esclavage, dont Vincent de Paul sauvait quelques victimes, en se livrant lui-même, la servitude. La France du XIXsiècle a pris Alger, supprimé la piraterie, occupé un vaste pays qu’elle civilise. Sa conquête a été pour elle un champ de manœuvre, où se fortifiaient ses soldats, où s’exerçaient encore ses généraux ; et elle en est revenue plus puissante, pour des épreuves soudaines et des guerres inopinées. À ce titre, et par ces motifs toujours présents, l’expédition, l’assaut et la première bataille d’Alger, puis l’occupation des territoires aussitôt commencée, demeuraient mémorables. Toute cette part de récits fortement retracés, ce prélude de l’agrandissement français sur la côte d’Afrique, cette annonce d’une succession assurée à l’ancien génie romain contre la barbarie, ne peut qu’intéresse ! vivement les lecteurs français. Le narrateur est mieux qu’impartial, pour la gloire des armes dont il salue le triomphe u en montre la force et la durée, et il honore dignement une entreprise dont il reconnait le résultat comme précieux à la France et respecté par l’Europe.

C’est à ce titre que le second prix de la fondation Gobert est décerné à l’ouvrage sur la Conquête de l’Algérie, par M. Alfred Nettement.

Le nom de l’auteur, tout récemment frappé d’une mort prématurée, restera protégé par la sincérité de son caractère et de ses travaux. Fidèle à un premier dévouement dont il était fier, il fut également fidèle à l’intérêt français en lui reconnaissant des titres de gloire dans l’Algérie. Son livre, accueilli par le lecteur impartial, attachera de nouveaux regrets à sa mémoire.

Un autre concours d’études historiques est provoqué par le retour triennal de la fondation Halphen, pour l’ouvrage jugé à la fois le plus remarquable au point de vue littéraire ou historique et le plus digne au point de vue moral.

Un livre : les Mariages espagnols sous le règne du roi Henri IV, par M. PERRENS, a frappé l’attention des juges habiles, et mérité le suffrage public comme celui de l’Académie.

D’intéressants récits sur la situation des Pays-Bas, des Provinces-Unies, du grand-duché de Savoie, de Montferrat de Mantoue ; sur Faction politique de l’Espagne et sur celle de la France ; sur l’influence diplomatique de la cour de Rome, ses efforts pour rompre ou renouveler des négociations importantes ; quelques-uns même de ses actes diplomatiques sont habilement analysés, et le caractère de ses ministres soigneusement décrit. C’est ainsi que, pendant un demi-siècle, les unions de famille entre l’Espagne, l’Italie, la France, puis d’importantes combinaisons liées à ces intérêts, deviennent une question capitale, un sujet de guerre et de paix.

La prévoyance, la modération, la sagacité de Henri IV, se montrent souvent dans ces épreuves, comme les passions de son temps, et les souvenirs ou les espérances que gardait la guerre civile.

Dans cette histoire toute politique, nourrie d’idées comme de faits, beaucoup de notions précieuses se rencontrent aussi sur la forme, les traditions, les entreprises de la monarchie espagnole. Cette grande étude de l’histoire et des documents nationaux, en même temps qu’elle a partout éclairci les faits et leurs conséquences, et constaté des détails inconnus, a mis en dehors de nobles caractères et de hautes vérités politiques. La phrase d’un de nos historiens sur Marie de Médicis ne semble pas démentie, et cette reine reste frappée du malheur de n’avoir paru ni assez surprise ni assez affligée de la mort de Henri IV. Toute la peinture de la France alors offre également un des plus attachants et des plus tragiques tableaux que l’on puisse retracer. L’Académie décerne à ce savant travail, à cet habile résumé, le prix de la fondation Halphen.

De ces récits-historiques, de ces recherches, l’attention de l’Académie était appelée vers une fondation d’encouragement pour les lettres, le prix Lambert, pour un talent jugé digne d’une marque d’intérêt public.

C’est une œuvre de théâtre, en vers parfois négligés, le Passant, par M. Coppée, qui a mérité ce succès, pour quelques signes d’un art heureux. L’auteur désigné atteste par cet exemple l’appui que l’intérêt public peut donner à tout espoir de talent.

L’Académie doit souhaiter surtout que ses prix servent à exciter de sérieux travaux, des recherches neuves de critique et d’histoire, des récits expressifs, des œuvres d’art élégantes et naturelles. Mais, par là même, elle ne rejettera pas sur une première vue tout essai d’imagination littéraire. Elle ne prescrira pas toujours des sujets à traiter ; elle attendra le choix de l’auteur. C’est la marche qu’elle a suivie cette année même pour le prix de poésie. Elle n’a proposé ni une vérité morale, ni un grand souvenir. Beaucoup de pièces de vers sont parvenues, sous des titres fort divers, sans que cette liberté se soit rencontrée souvent heureuse. La force de l’expression manquait à la témérité des idées, et l’expression quelquefois était tout ensemble incorrecte et timide.

Une œuvre cependant a été remarquée, de bonne heure, par le caractère de la tradition hébraïque, dont elle porte l’empreinte. C’est la pièce sous le titre : Séméia, avec l’épigraphe : Sola sub nocte…

La pièce est moins un hymne à la sainteté du culte consacré, qu’elle n’est un souvenir de la croyance judaïque, promettant la naissance d’un fils de Dieu pour prix des saintes prières d’une vierge d’Israël. La foi à cette espérance dans plusieurs sectes de Judée, le choix religieux et la prière fervente de celle qui se dévoue, la pensée qui consume sa vie et la laisse elle-même pour offrande en hommage à la di­vinité, telles sont les émotions que le poète a recueillies et dont il retrace l’illusion. Sa croyance est dans sa prière, et sa ferveur rend présent le miracle espéré.

Tel est l’ordre de sentiments et de pensées dont l’expression peut inspirer un religieux intérêt. Nulle subtilité d’analyse ne doit ici se mêler à la candeur du poète. Qu’une voix émue redise fidèlement ses vers ; qu’elle nous reporte aux souvenirs du ciel et de la poésie d’Orient ! Qu’elle nous fasse entendre ce que les veilles de l’espérance humaine demandaient à la puissance divine ! Une telle imploration poétique peut être écoutée de notre temps. Une voix amie de la vérité et souvent approuvée du public trouvera sans peine l’accent qu’elle demande.

L’auteur du poëme, Séméia, est M. Édouard Grenier, déjà connu par des vers qu’il dépasse aujourd’hui.

M. Legouvé va lire le poème dont l’accent de sa voix fera d’autant mieux apprécier le sentiment et le langage.

De nouveaux prix sont encore proposés, non pas à l’imagination poétique, mais aux recherches d’histoire et aux méditations que doit encourager le mouvement actuel du monde.

Sur la disposition testamentaire laissée par M. Thérouanne pour fondations de prix à d’importants travaux d’histoire, l’Académie aura désormais à décerner, dans les limites du décret qui en autorise l’acceptation, le prix que représente annuellement une inscription de 4,000 francs.

Dès l’année prochaine, ce prix pourra être attribué à un travail d’histoire : récits, études savantes, exposition impartiale et neuve, analyse philosophique et vraie, qui auraient été publiés dans l’année précédente et jusqu’au 1er mars 1870. Le même prix sera proposé pour chacune des années suivantes, et pourra s’attacher à des travaux d’histoire de la forme la plus variée, sous des conditions absolues de science, de talent et de vérité.

L’Académie ne peut que souhaiter l’occasion fréquente d’apprécier et d’honorer de tels travaux sur toutes les parties de l’histoire et du monde.