Rapport sur les concours littéraires de l'année 1949

Le 22 décembre 1949

Georges LECOMTE

SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
le 22 décembre 1949

Rapport sur les concours littéraires

DE

M. GEORGES LECOMTE
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL

 

MESSIEURS,

Les nombreux membres de l’Institut qui vont à l’étranger pour faire des conférences ou assister à des Congrès internationaux nous expriment au retour leur crainte de voir la langue française moins familière à la nouvelle génération qu’à celle d’avant la dernière guerre. Cela parce que, pour diverses raisons commerciales et financières, nos livres, et surtout nos manuels scolaires pénètrent en moindre abondance dans les divers pays. Aussi, les étudiants de ces régions sont-ils contraints de recourir, pour compléter l’enseignement reçu dans les écoles, a des ouvrages écrits en d’autres langues, de même que les lecteurs et lectrices bénévoles, désireux d’orner leur esprit tout en se perfectionnant dans une langue étrangère, doivent-ils s’adresser à des livres qui, par suite des difficultés de pénétration, ne sont plus autant qu’autrefois ceux de notre pays.

Pour conjurer ce risque de moindre influence, nous persistons à mettre notre espoir dans les efforts continus de la Commission récemment créée par M. Louis Joxe, Directeur général des Relations culturelles, au Ministère des Affaires étrangères, qui, sous son impulsion et celle de notre éminent confrère, M. Édouard Herriot, son Président, s’ingénie à conjurer ce péril, en collaboration avec le Syndicat des Éditeurs français que — dans leur propre intérêt en même temps que dans l’intérêt national — nous souhaitons voir participer, de plus en plus à la recherche et à l’instauration de remèdes appropriés.

Certaines expériences récentes nous laissent croire que le mal n’est pas encore très profond et peut-être conjuré grâce à une action persévérante et à la bonne volonté des groupes professionnels s’associant aux efforts de la Commission ministérielle.

Pour ne citer que cet exemple, notre très réputé confrère, le linguiste Albert Dauzat, nous apprend que, à Bruxelles, au Congrès de toponymie et anthroponymie, sciences où il est un maitre, sur trois cent cinquante congressistes, délégués de trente nations, quatre-vingt-quatre d’entre eux, soit un peu plus des trois quarts, présentèrent en français leurs communications, bien que trois autres langues y fussent admises : l’anglaise, l’italienne, l’allemande. Et, parmi les orateurs s’exprimant fort bien en la nôtre, il y eut certains congressistes, Hongrois, Bulgares, Roumains, venus de pays actuellement soumis à un régime dont les tendances ne s’accordent guère avec les idées traditionnelles de la France.

Sans doute, la plupart de ces spécialistes parlant avec aisance notre langue étaient-ils d’âge assez mûr. La connaissance parfaite qu’ils en ont prouvé qu’elle leur est familière, qu’ils peuvent avec plaisir la faire entendre, donner à la jeunesse qui se forme autour d’eux le goût de l’apprendre et ainsi contribuer à en maintenir l’usage dans les divers pays du monde où naguère tant d’hommes et de femmes la parlaient couramment, où les étudiants se servaient de nos manuels scientifiques et littéraires pour compléter l’enseignement reçu dans les écoles de leur pays.

Au retour de son voyage au Japon, M. René Grousset vient de nous rapporter des impressions favorables à nos efforts et qui nous encouragent à les poursuivre. Dans les divers milieux où ce spécialiste des Arts de l’Extrême-Orient fut accueilli, dans ses contacts avec les auditeurs des nombreuses conférences qu’il fit là-bas, cet éminent historien eut la satisfaction d’entendre maintes fois des personnes de tous âges manifester une vive curiosité à l’égard de notre littérature, exprimer leur sympathie pour notre langue et leur désir de pouvoir plus commodément se procurer nos livres.

Hier même, an Palais de Soubise, sur l’initiative du directeur des Archives nationales, M. Charles Braibant, s’est déroulée une très belle cérémonie pour commémorer le IVe centenaire de l’œuvre fameuse de Joachim du Bellay : Défense et Illustration de la Langue françaises. Au cours de cette réunion, présidée par notre éminent confrère, M. Édouard Herriot, qui prononça un discours plein d’esprit et de grandeur, trois représentants de pays étrangers, mais très amis du nôtre, S. Exc. le général Vanier, ambassadeur du Canada, M. Robert de Traz, au nom de la Suisse et M. Mundelaer, Ministre belge de l’Éducation nationale, ont glorifié notre langue, qui, pour une large part, est celle de leur peuple, et excellemment donné les raisons pour lesquelles, chez eux, elle reste prédominante.

Dans cette défense si nécessaire de la pensée, de la langue françaises, les savants et les écrivains de chez nous ont un rôle essentiel à tenir et un devoir à accomplir. Par leurs recherches, par les ouvrages où ils exposent leurs découvertes ou commentent celles de leurs émules, nos savants rendent à merveille ces services à la France. Et, en toute justice, il en est de même pour la majorité des écrivains. Négligeant les livres mercantiles dont les auteurs ne pensent qu’à montrer les bas sentiments, qu’à exalter, en des récits plus ou moins pittoresques, les viles actions et les passions malsaines, quelle éclatante floraison, chaque année, de belles œuvres d’histoire, ayant leur source dans une attentive consultation des archives nationales et qui remarquables par l’érudition, sont attachantes par la qualité d’un récit captivant ! Quel trésor de fortes œuvres de critique expliquant les textes avec finesse et les éclairant par une juste évocation d’une existence, d’un caractère d’homme ou de femme, par celles des mœurs, des goûts, de l’atmosphère d’une époque ! Que de romans riches d’humanité, de psychologie subtile et profonde, d’une vérité ne se complaisant pas aux détails abjects, aux scènes répugnantes, racontant d’une manière vivante, dans une langue colorée ou délicate, les faits, les sentiments, les idées d’aujourd’hui, dont les malheurs ou les bonheurs résultent si souvent des bonnes inspirations ou des erreurs et des fautes d’un assez proche passé ! Que de vigoureux ou charmants volumes de vers, révélateurs de tempéraments poétiques, où, en plus des éternels chants d’amour, d’angoisse et de douleur qui continuent à nous émouvoir, les inquiétudes, les aspirations et les espoirs de notre temps trouvent un écho dans nos cœurs et nos esprits ! Et, sans prétendre à la magnificence de cette gerbe, que de manuels précis, complets, solides, construits avec intelligence et savoir, mettent à la portée de la jeunesse studieuse de l’étranger comme de la France ce qui est indispensable à sa formation intellectuelle !

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C’est à un éminent Universitaire, professeur de langue française à la Sorbonne et à l’École Normale supérieure, à M. Maurice Levaillant, dont, à l’importante œuvre du critique s’ajoute une fort estimable œuvre de poète, que nous avons attribué notre grand Prix de Littérature.

L’Académie française s’est toujours fait un plaisir d’avoir des relations cordiales avec les professeurs du Collège de France, de l’Université de Paris et des Universités provinciales. Elle se targue d’être invariablement attentive aux travaux de leurs maîtres qui sont à la fois des érudits et de bons écrivains. Lorsque l’occasion lui en est offerte, elle est heureuse de rendre hommage à leurs travaux. Et combien d’entre eux, aujourd’hui comme hier, on siégé ou siègent encore parmi nous !

M. Maurice Levaillant, au cours d’une carrière de quarante années, a publié plus de vingt volumes. C’est l’ensemble de cette carrière et de cette œuvre que l’Académie a voulu honorer.

Né dans une petite ville du Valois, M. Maurice Levaillant a respiré tout enfant une atmosphère où, par le truchement des chansons et des légendes, le passé semblait se mêler au présent. Son éducation se continua dans un collège de Normandie. Il y acquit, outre une connaissance approfondie des humanités, le goût des longues lectures ; il y noua en cachette amitié avec les grands auteurs romantiques qui ne figuraient pas encore aux programmes des examens.

Arrivé à Paris pour préparer le concours de l’École Normale, il y devint un universitaire sans cesser d’être un poète. Dans un premier recueil de vers, le Miroir d’Étain, il avait exprimé son âme d’adolescent. Dans le Temple intérieur, qui fut distingué en 1910 par le Prix national de Poésie, dans le recueil Des vers d’Amour, il se révélait comme un poète élégiaque d’une forme sobre et souple, sensible aux ravissements et aux tourments du cœur, et plus encore, peut-être, aux inquiétudes de la destinée humaine.

Depuis, il a publié souvent des vers en d’importantes revues, et n’en a plus réuni en volumes. Mais va bientôt paraître un vaste poème : l’Évangile selon-Jésus, suite de récits qui, pour la plupart, s’inspirent directement des textes sacrés et où il fait revivre l’enseignement, la figure du Christ et les premiers temps des Apôtres.

D’autre part, il donnait régulièrement, dans un grand journal parisien des fantaisies et des chroniques, tout en édifiant l’œuvre de critique et d’histoire littéraire qui a fait sa réputation. Séduit par ce que la littérature romantique a versé d’ardeur, de générosité, d’humanité dans l’âme française, il lui a voué son effort. À Lamartine, à Victor Hugo, il a consacré deux volumes de fine compréhension. Pour chacun, l’étude de la vie, débarrassée des vaines légendes, s’entremêle à l’étude de l’œuvre qu’elle éclaire et que représentent des pages judicieusement choisies. Un volume élégant offre une exégèse de la Tristesse d’Olympio, poème majeur du Romantisme, un autre : Lamartine et l’Italie en 1820, conte l’entrée du poète dans la diplomatie et restitue deux ans de sa vie au lendemain des Méditations.

Ces études préliminaires aidèrent Maurice Levaillant à mieux dégager les deux principes qui, désormais, allaient inspirer et son enseignement et sa conception de l’histoire littéraire.

Le premier, c’est que l’érudition, sans doute, est nécessaire, mais que, tous toutes ses formes, recherches biographiques, études de « sources » et d’influences, elle demeurerait vaine, si cela n’aboutissait pas à faire revivre une œuvre et une âme dans leur pleine vérité.

Le second, c’est que cette résurrection même doit conduire à une meilleure intelligence de l’œuvre et finalement favorise l’émotion esthétique, c’est-à-dire le discernement et l’admiration de la beauté.

Ces principes, M. Maurice Levaillant les appliqua pleinement dans ses livres sur Chateaubriand. Le principal, Chateaubriand, Madame Récamier et les Mémoires d’Outre-Tombe n’est pas seulement, fondé sur un grand nombre de documents nouveaux, l’histoire d’une illustre liaison qui unit d’amour, puis d’amitié amoureuse, le génie de la beauté.

Ses Mémoires, où Chateaubriand a entendu se léguer tout entier à la postérité, où, avec lui, il a peint, son siècle, sa vieillesse n’aurait point réussi à en dresser le monument, si Mme Récamier, encourageant son effort d’un sourire, n’avait entouré d’une tendre sollicitude ses années déclinantes. M. Maurice Levaillant a été amené ainsi à écrire l’histoire et, la biographie d’une grande œuvre où toutes les autres œuvres de Chateaubriand se résument.

Histoire douloureuse ! Car elle démontre que Chateaubriand ayant terminé ses Mémoires en une cinquantaine de « livres », selon la division établie par lui-même vers la fin de 1841, fut contraint, par ce qu’il appelle « de tristes nécessité marchandes », de les mutiler cruellement. Il les avait vendus d’avance. Et la « Société propriétaire », qui les avait achetés, cédait soudain au journal La Presse le droit de les faire passer au « laminoir » de son feuilleton dès que le grand écrivain aurait fermé les yeux. Devant cette perspective, les scrupules de Mme Récamier, de Mme de Chateaubriand et de tous ses amis, ses propres inquiétudes enfin l’obligèrent à de tels sacrifices que les Mémoires ne comportaient plus que quarante-trois « livres » dans le manuscrit trouvé au pied de son lit funèbre. Ses exécuteurs testamentaires ne craignirent pas d’y faire encore des retranchements. L’édition originale, d’où les autres dérivèrent, est donc une édition incomplète et mutilée. Nul encore ne s’en était avisé.

Par cette démonstration même M. Maurice Levaillant semblait tenu d’honneur à restituer au chef d’œuvre, dans toute la mesure aujourd’hui possible, la figure harmonieuse que Chateaubriand avait gémi d’altérer. Dans l’édition « intégrale et critique » des Mémoires d’Outre-Tombe qu’après des années de travail M. Maurice Levaillant a publiée l’an dernier — édition dite « du Centenaire » puisque elle a paru presque cent ans après la mort de Chateaubriand — il a restauré pieusement le monument dégradé.

Les Mémoires ont retrouvé leurs cinquante « livres » distribués en quatre parties et divisés en chapitres. Les pages supprimées ont revu le jour ; et quelles pages ! Celles où Chateaubriand relate sans fard ses entretiens avec Charles X dans la pénombre du château de Prague, ses démêlés tragi-comiques avec la duchesse de Berry, ses rêveries et fantaisies pendant une semaine de vagabondages à travers une Venise déchue où il nous apparaît comme le lyrique précurseur de Barrès. Pour toute une partie de l’ouvrage, la dernière, M. Maurice Levaillant a pu reproduire le .manuscrit de travail que Chateaubriand avait donné à Mme Récamier. Dans les archives de Combourg ou dans les bibliothèques privées ou publiques il a retrouvé des chapitres supprimés. Chacun de ces fragments, inédits on non, a repris sa place primitive. Le chef-d’œuvre, jadis mutilé, a recouvré son ampleur. Appendices, commentaires, disposent autour de lui l’éclairage devenu, après cent ans, indispensable.

Travail d’éruditions ? Sans doute, mais travail de sympathie et de goût. M. Maurice Levaillant a rendu la vie — leur vie et leur sens véritable — aux. Mémoires d’Outre-Tombe. C’est un titre littéraire de haute classe.

 

M. Yves Gandon reçoit cette année le grand Prix du Roman, qui devait être décerné en 1948 et que notre inflexible fidélité à des préférences individuelles pour plusieurs autres livres, nous empêcha d’attribuer l’année dernière.

M. Yves Gandon, qui a publié plusieurs recueils de poèmes et divers volumes de critique littéraire, est cependant essentiellement un romancier. Ses premiers romans : Maison fondée en 1810, La Belle inutile, Le Grand Départ, montraient en lui un observateur attentif et ironique des mœurs d’aujourd’hui.

Il a publié, en 1945, un roman d’anticipation : Le dernier Blanc qui attestait un tempérament de visionnaire et où il développait, avec une troublante précision, les conséquences des guerres futures.

Il a entrepris enfin, avec le Pré aux Dames, une vaste chronique romanesque, dont trois volumes ont paru : Ginèvre, Zulmé et Amanda. « J’ai formé, nous dit-il, dans la préface de Ginèvre, le dessein d’écrire une Chronique de la sensibilité française du XIIIe au XXe siècle, chaque époque fournisssant le texte d’un volume... Héroïsme et gentillesses de la Chevalerie, enthousiasme et cruautés de la Renaissance, roide épanouissement du Grand Siècle,. curiosité de l’intellect, courtoisie, galanterie, libertinage, dialectique, tendresses, fureurs, frivolité, larmes, allégresse, mélancolie, et la gaillardise et l’ironie, des fabliaux à Voltaire, et ce culte de la raison et cet appétit du bonheur et cette joie d’être sous un doux ciel qui, des Croisades à la Grande Guerre, furent de notre appartenance entré Rhin et Garonne, tout cela paraîtra dans les romans du Pré aux Dames, la sensibilité de chaque époque étant cristallisée autour d’une figure de femme ».

Ce dessein ambitieux, Yves Gandon a donné la preuve qu’il était de taille à le réaliser, notamment avec cette Zulmé déjà remarquée l’an dernier, où il mettait en scène une jeune fille de 1830, représentative de l’époque romantique et cette Ginèvre, qui a fixé le choix de l’Académie.

Ginèvre est une jouvencelle du XIIIe siècle, autour de laquelle gravite tout un monde : seigneurs et demoiselles, cavaliers et ribauds, ménestrels et alchimistes, vilains, serfs et truands, sans oublier les Sarrasins ni le roi Saint-Louis que nous voyons mourir à Tunis.

Nous revivons, grâce à l’auteur, cette époque d’amour courtois, de vaillance et de rudesse. Un soin minutieux du détail frappant, une chasse sévère à l’anachronisme, une intuition aiguë du caractère de l’époque, ce don de vie, enfin, qui est le don essentiel du romancier, font de ce roman médiéval une fresque puissante et colorée, soutenue par un style à la fois savant et souple, expressif et limpide, par lequel Yves Gandon a su nous restituer toute la saveur des vieilles chroniques. Ginèvre nous fait bien augurer de la suite du Pré aux Dames.

 

Le Prix du Roman pour 1949 nous permet d’affirmer à nouveau nos sentiments d’admiration à Mme Yvonne Pagniez dont nous avons déjà couronné un précédent livre fort pathétique : Scènes de la Vie du Bagne. Celui qu’elle vient de publier sous le titre Évasion 44 en est la suite toute naturelle et logique. Mme Yvonne Pagniez y relate les périlleux efforts d’une captive pour échapper à l’odieuse rigueur et aux brutalités d’un cruel emprisonnement et, sinon aux tortures physiques pour elle-même, du moins au spectacle révoltant des tortures infligées à ses compagnes et dont elle pouvait être victime à son tour.

Certes, un roman est avant tout la vivante étude du caractère des passions, des fautes ou des mécomptes d’un personnage soit imaginé avec le souci de la vérité humaine, soit observé dans ses luttes pour le bonheur, le pouvoir, la fortune. Ce peut être encore un récit d’aventures non moins imaginaires qu’un auteur a conçues ou qu’il a vu se dérouler réellement autour de lui dans l’existence tourmentée d’un de ses contemporains. Pourquoi donc un roman ne serait-il pas aussi la narration d’épisodes saisissants, dramatique, douloureux, survenus dans la vie même de l’écrivain qui les conte ?

C’est à cette large interprétation que nous nous sommes ralliés, d’abord parce qu’elle nous a paru juste, et aussi dans un élan de sympathie pour l’incontestable talent de Mme Yvonne Pagniez, pour les souffrances de tout genre qu’elle a endurées d’une âme si ferme, pour l’étonnante bravoure de ses efforts afin d’échapper à la méticuleuse férocité de ses tourmenteurs.

Quelle poignante histoire ! Détenue depuis plusieurs mois à Torgau, Mme Yvonne Pagnier apprend que, avec un grand nombre de ses compagnes, elle va être transférée au camp plus redoutable de Ravensbrück. Alors se précise dans son esprit un plan d’évasion depuis longtemps prémédité, non sans scrupules et remords d’une âme aussi délicate que stoïque. « Ce complexe de tortures morales et physiques, nous dit-elle dans son beau livre, je ne pouvais plus, à la lettre, le supporter. Plutôt risquer le pire que de tourner ainsi dans une cage en ruminant son angoisse. Il y avait bien pour me retenir le souci de mes camarades, cette charité qui, nous penchantsur les autres, nous donnait, à nous-mêmes, la force de vivre. Mais ne fallait-il pas quelqu’un s’échappât de cet enfer pour appeler à l’aide, pour faire éclater au jour un crime que nous avions la naïveté de croire enfanté dans les ténèbres. »

Profitant d’un brusque arrêt du train qui l’emmenait à Ravensbrück, elle saute sur le remblai par une fenêtre qu’elle réussît à ouvrir, se cache dans un bosquet en bordure de la voie ferrée que, peu après, elle longe jusqu’à ce que évitant les grandes routes et les villages, marchant par des sentiers sous bois et de petits chemins peu parcourus, elle arrive, après maintes épuisantes péripéties, à Berlin, la grande ville assez proche, dans les ruines de laquelle sa compagne d’évasion et elle-même espèrent pouvoir mieux qu’ailleurs trouver un abri et se dissimuler. Changeant presque chaque jour de cachette pour ne pas risquer de compromettre leurs hôtes successifs, en particulier une religieuse et un pasteur, qui, père de huit enfants sait qu’il serait exécuté à la hache si l’on découvrait son aide à une prisonnière française évadée. C’est une course quotidienne d’asile en asile, dans un éternel qui-vive, jusqu’au jour où, rencontrant, par hasard, une amie intime originaire de l’Helvétie, elle peut gagner la frontière suisse. Mais, à Constance, à la minute même où elle va échapper aux griffes des tortionnaires, elle est happée par leur police et enfermée en prison dans une forteresse, jusqu’au moment où, quatre mois plus tard, les Américains vainqueurs viennent délivrer tous les captifs.

La couronne que nous sommes heureux d’offrir à Mme Yvonne Pagniez n’est-elle pas méritée par ce roman vécu, bien construit, d’une écriture expressive et ferme, tragédie captivante — desservie nécessairement par ce bref résumé — et à la vaillante Française qui a tant souffert par amour de notre Patrie et qui, après les périls courus pendant quatre années d’une énergique participation à la Résistance sur notre sol, a deux fois encore risqué sa vie pour retrouver la France enfin libre.

 

Le Grand Prix Gobert semble avoir été créé pour récompenser des œuvres telles que cette Histoire de l’Unité française que vient de publier, après des années de travail et de méditation, Mlle Marie-Madeleine Martin.

Dans un style élevé qui, parfois, va presque jusqu’à l’éloquence, cette ancienne élève de l’École des Chartes a su considérer l’histoire de France tout entière pour y chercher les origines de l’idée de Patrie.

Que soient ramassés en 400 pages, remplies d’ailleurs de vues originales et nouvelles, 2.000 ans, d’histoire, sans qu’aucune fatigue en résulte pour le lecteur, ce serait déjà bien grand mérite. Mais le mérite tient surtout à ce que ce soit de l’érudition la plus nourrie que jaillissent les idées générales qui nous soutiennent au cours de notre lecture.

C’est chose rare qu’une abondante documentation n’opprime pas l’historien qui cependant veut dégager, de recherches historiques approfondies, une philosophie politique, claire et vivifiante. Mlle Marie-Madeleine Martin a su résoudre ce difficile problème.

Sans doute ne s’attarde-t-elle pas à conter l’histoire de la formation de notre France, ce « retour » des pays entre Rhin, Alpes, Pyrénées et la Mer au foyer très ancien de la vieille Gaule devenue « Francie ». Ce « retour » a été l’œuvre six fois séculaire d’une suite de princes issus de Hugues Capet et l’historienne montre bien que, sans cet appel incessant du roi de Paris aux Provinces anciennement dissociées, l’unité n’eût pu se faire.

Depuis que Rome avait imposé aux cités gauloises un esprit commun et, des Gaules, fait la Gaule, cette Gaule devenue Francie s’était, après la mort de Charlemagne, morcelée en cent principautés féodales. Un sentiment national diffus gardait pourtant unis les membres dispersés du royaume carlovingien. Les fils de Capet ont provoqué la fusion de ces éléments dont, petits seigneurs d’Ile de France, ils ont fait, du XIe au XVIIIe siècle, le magnifique royaume de France.

L’esprit national se cherchait. À quelle époque est née cette notion brisée et lentement reconstituée ? Mlle Marie-Madeleine Martin n’interroge que les faits et ce qu’ils révèlent. C’est dès l’époque de Philippe-Auguste et de son petit-fils Saint-Louis qu’elle voit se dessiner le sentiment de la Patrie qui, à la fin de la Guerre de Cent ans, éclate avec l’apparition de Jeanne d’Arc. Et, dès la fin du XVe siècle, elle voit se dresser une nation française telle que les ambassadeurs vénitiens écrivent qu’il est des États plus grands, mais « qu’il n’y en a pas de plus uni ».

C’est alors que des poètes, comme Ronsard et du Bellay, aux juristes comme Jean Badin, les écrivains définissent bien cette France qui, encore en voie de s’agrandir, brille déjà d’un si grand éclat.

Cette Histoire de l’Unité française n’est pas seulement pensée, elle donne à penser.

 

C’est au baron de la Tousche que va le second Prix Gobert pour son ouvrage consacré à Henri de La Rochejaquelein. Les fouilles les plus patientes l’ont mené des Archives nationales aux Archives de la Guerre, à celles du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres, du Château de Clisson à la Bibliothèque de Nantes et au British-Museum. Il a consulté les papiers du Colonel de Beaucorps (incendiés depuis par les Allemands ainsi que le Château qui les renfermait). Avec beaucoup de pertinence il a utilisé cette vaste documentation. Son ouvrage, d’une lecture agréable, est plein d’intérêt et fort, émouvant. M. de la Tousche qui habite la Vendée connaît la région qu’il décrit et sa peinture en fait surgir l’âme comme les paysages. Ce décor, brossé avec exactitude, ajoute beaucoup de charme à son portrait du jeune et ardent chef vendéen.

 

Le Prix Thérouanne est partagé entre M. Jacques Desmarest et Mlle°Odette Viennet.

M. Jacques Desmarest apporte une très sérieuse contribution à l’histoire du Gouvernement de la Défense nationale.

Ce livre substantiel de 450 pages comprend un récit circonstancié des faits, et la recherche de leurs causes, l’exposé et la critique des événements survenus pendant cinq mois, depuis le 4 septembre jusqu’au moment où l’Assemblée nationale prit le pouvoir (13 février 1871).

M. Jacques Desmarest s’est attaché en particulier à combler cette lacune : le manque d’un ouvrage impartial sur l’Histoire du Gouvernement de Paris et la Délégation de province.

Il s’appuie non seulement sur de grands ouvrages historiques, mais aussi sur le rapport du comte Daru à la Commission d’enquête, sur les récits d’acteurs dans le drame, tels que Jules Favre et Jules Simon. Et, pour la Délégation, il a eu recours aux livres de Glais-Bizoin et de Crémieux, au rapport de Boreau-Lajaunidie, etc... M. Jacques Desmarest n’est pas moins scrupuleux dans l’examen des événements militaires et des questions diplomatiques.

L’Académie se devait de signaler l’ouvrage Mlle Odette, Viennet : Napoléon et l’industrie française.

Cet aspect du rôle de Napoléon navait jamais été envisagé avec une méthode d’exploration ni de larges recherches comme celles sur lesquelles s’appuie chaque page du fort volume faisant suite à d’autres enquêtes du même auteur sur la France impériale.

Si la personne de Napoléon fait l’objet d’observations attentives et de judicieuses remarques, les explications la débordent — comme il est logique — sur ce qu’était l’industrie à cette époque, sur ses progrès ou ses crises.

Les réactions nationales et internationales, toute une histoire de la politique et des fatalités économiques, financières et commerciales, le problème du chômage, du pain, de la diffusion du machinisme sont étudiés et examinés de près dans un ordre rigoureux. L’ouvrage de Mlle Odette Viennet se recommande aussi à l’estime de l’Académie française par une rédaction qui appartient à la littérature autant qu’au travail historique.

 

À Rollon devant l’histoire, de M. Louis de Saint-Pierre, est décerné le Prix Vitet.

Ce premier tome d’une discussion qui est un modèle du genre est destiné à prouver que l’origine des Normands est norvégienne et non danoise comme les Danois l’ont soutenu au XIXe siècle. Dans ce dessein, M. de Saint-Pierre fait appel aux ressources de la plus minutieuse érudition. C’est un livre sévère, mais d’un haut enseignement sur la technique des investigations dans le réseau des faits et des textes d’une lointain passé. D’autre part, il nous initie aux façons d’être d’une race d’hommes dont l’équivalent ne peut plus guère exister et dont le pittoresque épique a sa grandeur.

Le Prix triennal Thiers a été cette fois accordé M. G. de Bertier de Sauvigny sur son aïeul Ferdinand de Bertier.

Ce n’est pas une simple biographie, mais un tableau des dernières années du premier Empire et de toute la Restauration. Les sources innombrables auxquelles l’auteur a puisé étaient en grande partie inconnues des historiens. 

Ferdinand de Bertier, un des fils de l’intendant de Paris massacré en 1789, était, tout naturellement, hostile à Napoléon qui, pour lui, incarnait la Révolution détestée. Se rallier au « Robespierre à cheval » il n’en était pas question. Mais il ne suivit pas les royalistes qui se contentaient, contre l’usurpateur, d’une guerre de bons mots. Il tenta d’organiser une société secrète : Les Chevaliers de la Foi, dans le but de combattre le régime impérial. Sous le nom de Bannières, il fonda en province des Associations qui essayaient de créer des liens entre les partisans du retour des Bourbons. Les royalistes se trouvaient prêts, plus que les historiens ne l’ont cru jusqu’ici, à exploiter la crise qui allait éclater en France après la désastreuse Campagne de Russie.

Ferdinand de Bertier fut récompensé de son action après 1815. Mais, rangé parmi les « ultras », il se trouva bientôt englobé dans la disgrâce dont l’avisé Louis XVIII frappa ce dangereux parti.

Son biographe, en suivant ses luttes, les place dans l’atmosphère politique de la période entre 1815 et 1830. Personne ne pourra écrire sur la Restauration en ignorant cet ouvrage écrit dans une langue élégante, souvent piquante.

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Les prix annuels créés à l’Académie française par le Général Muteau doivent, selon le libellé de la donation, être attribués « à des sociétés, ou individus de nationalité française qui, au cours de l’année écoulée, auront le plus contribué par leur propagande, leurs écrits, leurs actes, leur conduite héroïque, à la grandeur et à la gloire de la France ». Notre devoir est de respecter strictement ce texte si honorable pour les lauréats du Prix Muteau.

Le premier est le général J. Armengaud, auteur du Drame de Dunkerque. L’esprit de ce livre est caractérisé par son titre.

Dunkerque fut un drame à la fois par la rapidité foudroyante de la défaite stratégique et par l’héroïsme avec lequel les soldats et leurs chefs se montrèrent dignes des glorieuses traditions de notre Armée.

Dunkerque, drame de l’évacuation, est la conclusion de la bataille de Belgique. Le général Armengaud en retrace les lignes principales, depuis la défense de la courtine de Gembloux, par la Iere Armée, jusqu’à la lutte opiniâtre de six divisions encerclées au sud de la Lys, qui contribuèrent à permettre l’embarquement et reçurent de l’ennemi les honneurs de la guerre.

Récit détaillé où la part est faite au rôle de chacun sans que l’ensemble soit perdu de vue. Récit fidèle de ce que fut « l’enfer de Dunkerque », mettant en lumière toute la somme de vaillance et de dévouement des troupes combattant dans un espace de plus en plus réduit, et aussi du service de santé, admirable sous les bombes.

Pendant les journées des 1, 2, 3 juin, non seulement on se défend sur place, mais on contre-attaque. Jamais on n’abandonne une position que par ordre. Pour finir, le lecteur est bouleversé par la relation de la matinée du 4 juin. Il ne reste pas un navire pour les 50.000 hommes qui ont couvert jusqu’au bout l’embarquement de leurs camarades, et ils sont faits prisonniers.

Les conclusions s’attachent à examiner les responsabilités de nos alliés. Le général Armengaud croit que, avec le recul de l’histoire, Dunkerque, apparaîtra comme un lieu évocateur de la solidarité franco-britannique. Il y eut, en effet, chez tous les combattants, une volonté d’atteindre ce but : l’embarquement — malgré le feu des canons, des mitrailleuses — de plus de 500.000 hommes. Il y eut « un esprit de Dunkerque. »

 

Et voilà, bénéficiant de l’autre Prix Muteau, un second volume qui nous conte, d’une autre manière, mais avec un égal souci de vérité, de justice, la Bataille de Dunkerque. Tel est le titre du livre.

Son auteur, M. Jacques Mordal, est un marin qui était à Dunkerque. Son premier projet était d’écrire une œuvre purement navale. Il y a renoncé parce qu’il s’est rendu compte qu’il serait impossible de faire le récit de l’évacuation sans avoir parlé de ses causes.

La première partie de ce livre important est un exposé remarquable des premières opérations de la campagne de 1940. 1e chapitre intitulé : l’Aventure de Hollande, l’encerclement et le décrochage des forces expéditionnaires anglaises, donne une physionomie exacte des événements.

La partie qui traite de l’évacuation est toute navale. Elle décrit les « routes » vers Douvres, tracées par la drague à travers les zones minées par l’ennemi.

Cet ouvrage vibrant est aussi un témoignage, sur d’extraordinaires dévouements. La France peut être fière de ses soldats. Rien n’y est à l’encontre des sentiments que doivent garder, les uns pour les autres, des alliés dont l’union est si nécessaire à la paix et à la prospérité du Monde.

 

M. Adrien Dansette, pour son Histoire religieuse de la France contemporaine, a obtenu le Prix Jean Reynaud.

Il a entrepris une œuvre de synthèse très méritoire en étudiant cette histoire depuis 1789. Il s’agit de la politique religieuse des différents régimes qui se sont depuis un siècle et demi succédé, et aussi des querelles qui, parmi les catholiques, se sont souvent élevées.

C’est un sujet fort délicat à traiter, mais M. Adrien Dansette y a apporté beaucoup de tact, d’équité et un parfait équilibre de jugement. Encore qu’il ait dû se servir du travail de tant d’historiens qui le précédèrent, il a fait d’éléments divers, une composition très personnelle et, en prenant connaissance de certaines pages, on a l’impression de lire pour la première fois tel ou tel chapitre de cette chronique mouvementée.

C’est ce qu’on ressent en suivant les phases de la lutte entre « ultramontains » et « libéraux » dans la seconde partie du XIXe siècle.

Le style vivant et coloré suffirait à attacher le lecteur si, d’autre part, le sujet passionnant de toute cette histoire et la place qu’elle a tenue dans les rapports des Français entre eux, n’étaient pour faire de ce livre un des plus importants qui se soient publiés sur un sujet capital.

Pour bien montrer l’intérêt que nous avons pris à la lecture du récent ouvrage de M. André François-Poncet : De Versailles à Postdam, nous avons décidé de faire frapper une Médaille de l’Académie à l’intention de cet ancien Ambassadeur de France à Berlin, puis à Rome, actuellement Haut Commissaire de la République en Allemagne occidentale. Cet ouvrage si riche d’observations, d’avertissements, de bons conseils — comme la plupart des rapports et des dépêches que, de son ambassade, il envoyait au quai d’Orsay — peut être médité avec profit par les ministres et les diplomates de tous les pays alliés. Cet ancien élève de l’École Normale, agrégé des Lettres, s’est spécialisé dans l’étude de l’Allemagne. Germaniste bien et clairvoyant, il connaît à merveille l’état d’esprit, les goûts, les appétits, les ambitions du peuple d’Outre-Rhin et de ses gouvernants. Aussi était-il l’homme le mieux qualifié pour son poste actuel, comme il le fut pour nous représenter pendant plusieurs années à Berlin où, en outre, il montra par son beau foyer, ce qu’est une famille française. Ajoutons que, fin lettré, admirateur de nos grands écrivains, il a, au début de sa carrière politique, Sous-Secrétaire d’État aux Beaux-Arts, sauvé, sur l’appel d’un membre de l’Académie française, l’église de Milly-Lamartine dont, depuis trente ans, par crainte de voir le clocher s’effondrer, on ne pouvait plus faire entendre la voix de la cloche, si bien chantée par le grand poète, et dont le toit fissuré, disjoint, menaçait d’une ruine, complète cette petite église qui est un si touchant souvenir littéraire.

Le beau Prix quinquennal Antoine Girard, destiné par son fondateur à couronner l’œuvre d’un écrivain ou d’un savant originaire de la Savoie, nous permet de rendre hommage à M. Charles Jacob, natif de cette province et, cette année ; président de l’Institut de France, géologue éminent, fort estimé dans le monde scientifique de tous les pays, dont les travaux et les ouvrages — qui honorent la France — font autorité, et dont l’enseignement, naguère fêté dans une mémorable cérémonie de jubilé, a formé des disciples dignes de lui et pleins de gratitude pour leur maître, toujours si jeune d’esprit.

À l’occasion de son nouveau, livre : La Pensée politique et sociale de Balzac, nous avons décerné le prix Broquette-Gonin, qui est l’une de nos importantes récompenses, à M. Bernard Guyon. Cette volumineuse étude de 800 grandes pages est peut-être l’hommage le plus considérable qui ait été rendu cette année à Balzac pour le cent cinquantième anniversaire de sa naissance et qui le sera en 1950 pour le centenaire de sa mort.

M. Bernard Guyon situe dans le temps et dans l’œuvre l’éveil des premières opinions politiques et sociales du puissant romancier que, dans ma jeunesse, on appelait couramment, et avec justice « le Père du roman Contemporain ». Il discerne les influences qui les firent peu à peu et successivement évoluer. Il montre que, si Balzac a bien peint la bourgeoisie — telle qu’il la vit dans la première moitié du XIXe siècle, c’est-à-dire laborieuse et ingénieusement ambitieuse, enfiévrée à la conquête de l’argent et du Pouvoir, mais dont l’activité, souvent ennoblie par des œuvres et institutions charitables, favorisa le développement économique de la France et accrut sa prospérité — c’est parce qu’il a longtemps vécu dans cette ambiance.

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Assez nombreux sont cette année les Prix de Langue française accordés sous forme de Médailles à des écrivains étrangers, soit pour l’ensemble de leur œuvre, soit pour leur attachement à la langue de notre Pays, pour leur action continue en sa faveur.

L’une d’elles remercie S. Exc. M. Parra-Perez, ancien ambassadeur du Venezuela et son Ministre des Affaires étrangères — aujourd’hui délégué permanent de ce pays à l’UNESCO — de sa propagande continue pour la diffusion de notre langue au Venezuela, de ses efforts en diverses conférences internationales pour qu’elle soit maintenue — selon une tradition trois fois séculaire — à l’égal de la langue anglaise, dans les débats et rapports-diplomatiques. M. Parra-Perez est, d’ailleurs, un historien de talent. Une part importante de son œuvre est écrite en excellent français. Dans son nouveau poste qu’il occupe avec autorité et d’une manière brillante, il s’applique très efficacement à resserrer les liens intellectuels qui nous attachent aux nations latines d’Amérique.

M. Antonio Aniante est de ces écrivains que le ssort emble avoir désignés pour assurer une liaison permanente, confiante et affectueuse entre deux littératures, par conséquent entre deux peuples. Écrivain italien, auteur d’admirables récits romancés, observateur, narrateur pittoresque, M. Antonio Aniante qui a longtemps vécu en France et qui y vit encore, connaît à merveille les Lettres françaises. C’est un traducteur impeccable. Il a bien mérité à la fois de son pays et du nôtre, et c’est pourquoi l’Académie a tenu à lui décerner notre Médaille de Langue française.

Deux poètes Mauriciens reçoivent chacun une identique Médaille. Il est réconfortant de penser que notre langue continue d’être employée par les lettrés de cette île qui fut jadis l’Ile de France et qui, sous le pavillon britannique, demeure l’un des réduits de notre culture. Les écrivains de langue française y sont nombreux, actifs, vigilants. Ils disposent de journaux et de revues. Sur leur théâtre, ils jouent nos œuvres dramatiques comme les leurs. Ils ont fondé une association qui est en relations cordiales avec notre séculaire et puissante Société des Gens de Lettres où, d’ailleurs, la plupart d’entre eux ont été sympathiquement accueillis. Ne pouvant honorer tous ces auteurs de mérite, l’Académie a voulu d’abord marquer son estime à deux d’entre eux : à Mme Raymonde de Kerven, poète au talent brillant et délicat qui préside aux travaux des littérateurs Mauriciens ; et à Sir Robert-Edward Hart, grand lettré, poète savant et généreux que tous ses confrères de la mer Indienne reconnaissent et saluent comme leur doyen vénéré.

Notre Médaille est aussi offerte à M. Gustave Lanctot. Il occupe un haut rang parmi les historiens actuels du Canada. Son œuvre, nombreuse et variée, porte tantôt sur des questions purement historiques, tantôt sur des questions techniques ou politiques, administratives et religieuses. Il appartient à la Société royale, et vient de publier un ouvrage de critique intitulé : Faussaires et Faussetés de l’Histoire Canadienne. C’est singulièrement pour cet ouvrage et pour l’ensemble de son œuvre que l’Académie donne à M. Gustave Lanctot, son Prix de Langue française.

À titre exceptionnel afin de bien montrer l’intérêt dû aux récentes conférences que l’éminent historien canadien, M. Jean Bruchesi, a faites, l’hiver dernier, à la Sorbonne et l’intérêt que l’Académie attache au recueil récemment édité de ces conférences, elle a voté en l’honneur de M. Jean Bruchesi, — prenant pour la première fois cette décision — un « rappel » de la Médaille dont, il y a trois ans, elle avait salué ses nombreux et remarquables ouvrages.

 

C’est encore avec une Médaille que, à propos de ses Fables choisies, nous décernons le Prix de Langue française à M. Jean-Jacques Proumen, Président, en Belgique, de l’Académie internationale de Culture française. La place qu’il occupe à la tête de ce groupe prouve sa fidélité agissante à notre littérature. Si ses Fables — qu’il qualifie « poèmes » avec quelque raison, et qui passent, avec une charmante aisance, du ton grave au ton familier — contiennent une moralité, elles sont d’abord d’inspiration poétique. Leurs images, leurs rythmes ont cette fantaisie qu’anime le coup d’aile.

 

Nous avons adressé aussi un salut cordial à M. Léopold Levaux, professeur à l’Université de Liège et bon écrivain, qui déjà, en 1935 puis en 1939, avait reçu deux de nos couronnes fort estimées. Depuis sa jeunesse, il a prouvé, par ses écrits comme par ses actes, sa profonde affection non seulement pour notre littérature et notre langue — qui est tout naturellement la sienne — mais pour la France elle-même. Dans ses nombreux livres et dans la cinquantaine d’éloquentes conférences qu’il a faites à travers la Belgique et en maints antres pays, particulièrement en Hollande et en Suisse, il a étudié l’œuvre des écrivains de chez nous qu’il admirait le plus, par exemple celles d’Ernest Bello, François de Curel, Charles Péguy, Bernanos, Paul Claudel, François Mauriac. J’ai le regret de ne pouvoir citer que deux ou trois de ses ouvrages : Prosateurs français au XVIIe siècle, Devant les Œuvres et les Hommes, La Vie de l’Esprit, L’Homme et son Destin. Ces titres disent assez où vont les prédilections littéraires et philosophiques de ce Belge à l’amitié précieuse.

 

On sait que la Vallée d’Aoste a toujours, bien qu’italienne, parlé français : Le chanoine Bréan a réuni, sous le titre d’Anthologie Valdotaine, des écrits en langue française composés dans le Val d’Aoste du XIIe siècle à nos jours. Les quatre-vingt-dix mille Valdotains maintiennent aujourd’hui encore, en plein accord avec le gouvernement italien, un flot de culture française. Cette remarquable anthologie, qui groupe une centaine d’auteurs, en est la preuve. Le  chanoine Bréan méritait bien un signe de notre gratitude.

 

M. René Thiollier est un écrivain très apprécié au Brésil, Secrétaire perpétuel de l’Académie Pauliste des Lettres. D’origine dauphinoise, il n’a pas oublié ce que sa famille doit à la France et il est de ceux qui maintiennent vivante l’influence du génie français dans ce Brésil où nous comptons tant d’amis. C’est une des raisons pour lesquelles l’Académie a fait graver son nom sur une de ses Médailles.

 

Même décision à l’égard de Mme Triphosa Batès­Batcheller. Cette Américaine connaît bien la France et l’aime parce qu’elle la connaît. Elle a prouvé ce sentiment par les livres qu’elle a consacrés à des figures de notre passé et plus encore par son enthousiaste ouvrage : Une Amitié historique, qui témoigne de son ardent apostolat en faveur de l’union des États-Unis et de la France,

Il était tout naturel que l’année où de nombreuses cérémonies commémorent, à Paris et en Bretagne, le centenaire de la mort de Chateaubriand, on songeât à souligner avec l’attribution de notre Médaille, les services rendus à la pensée, à la langue et à l’influence de notre Pays par le lycée français de Rome qui donne son enseignement sous l’égide onomastique du grand écrivain. D’abord, petite école, fondée en 1903, dans un modeste logis où quatre douzaines d’élèves recevaient les leçons de maîtres improvisés, peu à peu cet établissement scolaire est devenu notre grand lycée transalpin qui, ayant l’appui de notre Université, reçoit d’elle des professeurs agrégés, compte à l’heure actuelle sept cents élèves de tous les pays, L’enseignement secondaire y est complet, jusqu’aux baccalauréats qui permettent ensuite de suivre les cours de nos diverses Facultés. Et même le lycée Chateaubriand a organisé des cours d’Enseignement supérieur qui préparent certains élèves aux plus hautes études qu’ils poursuivent dans nos universités françaises.

Nous marquons notre reconnaissance à l’excellent historien et journaliste, M. Edouard Chapuisat, en lui ayant réservé le prix Kornmann, créé pour remercier les étrangers qui écrivent leurs ouvrages dans notre langue et s’en font chez eux les propagandistes.

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Le Prix Louis Barthou rend hommage à la publication de la Correspondance de Sainte-Beuve, dont M. Jean Bonnerot est le très savant éditeur et commentateur. Le Tome V, en deux volumes, récemment paru, rapproche les lettres de 1843-1844. Chaque lettre est l’objet de références surveillée. Si cette correspondance ne modifie pas l’opinion qu’en a du caractère de Sainte-Beuve, elle est très utile pour suivre, non seulement l’activité de sa pensée, mais celle de son époque — bien qu’il n’ait pas compris certains de ses contemporains, n’ait pas su ou n’ait pas voulu les classer selon leur talent ou leur génie —. Cette œuvre de M. Jean Bonnerot, où tout est contrôlé, est un guide lumineux à travers des années de vie littéraire au XIXe°siècle.

 

M. Jules Roy est l’élu du Prix Max Barthou pour son livre Le Métier des Armes qui nous met en présence du drame du soldat appelé à « servir » une vocation irrésistible, mais, un jour, pris entre son vœu d’obéissance et un impératif supérieur, celui des lois, entre toutes puissantes, de l’honneur. Ce tourment de conscience est exposé avec une intensité pathétique. Les divers mouvements en sont traduits dans une forme énergiquement sobre, sans aucune déclamation, par une plume de métal trempé comme l’acier d’une épée. Confession d’un fervent défenseur de la Patrie, dont l’âme droite met en question certains commandements dont les circonstances changent le poids et la valeur.

Dans Le Jour ni l’Heure, nous avons distingué un roman de femme qui correspondait aux conditions du Prix Alice Barthou. Mme Elisabeth Barbier, parmi des paysages cévennols, fait vivre des personnages à l’âme et, au cœur agités de passions fortes. Une nature concentrée d’adolescente, aux violences cachées comme peut l’être le bouillonne d’un torrent secret aux creux d’une montagne sauvage, contraste avec un type de jeune pasteur, chez lequel une pureté rayonnante n’exclut pas l’humain. Des nuances de fine psychologie font l’intérêt principal de ce roman, par ailleurs dramatique et soigneusement écrit.

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Le prix Dupau destiné à honorer le labeur d’une vie d’écrivain, à signaler toute son œuvre, est allé à ces trois bénéficiaires : MM. Jean-Joseph Renaud, André Delacour et Florian Parmentier.

En un demi-siècle de carrière littéraire. M. Jean-Joseph Renaud a beaucoup publié. Son soixante-troisième roman : Une Carbonara, est une curieuse peinture de certaines agitations politiques et sociales au temps d’Eugène Süe, dont il trace un portrait de socialiste et de dandy aussi fortement dessiné qu’imprévu, grâce à des révélations qu’il obtint, tout jeune, d’Ernest Legouvé, beau-frère de l’auteur des Mystères de Paris. L’abondante production de Jean-Joseph Renaud a pour caractéristique le dessein d’être à la fais romanesque et bien documentée, c’est-à-dire fidèle à la vérité et d’avoir pour base une idée générale. Au surplus, l’on devine chez ce célèbre épéiste la pente à entrer en lice pour la défense d’une juste et belle cause. Son procédé technique est celui de ne jamais tomber dans une démonstration d’auteur, de laisser les personnages se définir par leurs comportements et leurs propos. Il met le maximum d’action dans le minimum de mots. Il a donné à d’importants journaux de grands reportages sociaux, comme New-York flamboie, auquel un assez long séjour en Amérique lui permettait de communiquer la pulsation et le ton même de la vie, et qui lui valut d’être pris comme invité d’honneur par l’American Club de Paris.

M. André Delacour, dans ses neuf volumes de vers, s’élève à un spiritualisme parfois religieux, mais sans se détourner des forces naturelles ni d’une conception de la vie où, à travers les passions charnelles, il rejoint les désirs, les exaltations de l’âme. Il chante l’amour total.

Prosateur, par ses essais sur des poètes d’aujourd’hui ou sur des classiques, comme Pascal et Corneille, il juge en subtil critique littéraire, certes, mais curieux des rapports secrets existant entre la valeur esthétique et la valeur morale de l’œuvre, et en cherchant le créateur sous la création, afin de mieux saisir les éléments de celle-ci. Dans, ses romans qui ne craignent pas les sujets hardis, sa forme demeure toujours décente — une âme de poète ne pouvant se ravaler au langage trivial ou cynique qui dénote le goût de la bassesse et non le respect de la vérité. M. André Delacour reste persuadé que le vrai réalisme n’est pas une peinture d’apparences, de surfaces, de gestes, mais un coup de lumière en profondeur.

 

Toute l’œuvre de M. Florian-Parmentier est axée sur l’instinct psychique et l’impulsion créatrice. Dès ses débuts (1904), il avait pris position en écrivant une Philosophie de l’Impulsionnisme qui devait avoir des prolongements inattendus où se raccordaient les théories psychanalytiques, intuitionnistes, etc... Quarante volumes et brochures le montrent fidèle à sa première intention. Avec ses essais, ses poèmes, il est toujours préoccupé de guider vers le psychisme les réactions physiologiques de l’homme. Il est donc un idéaliste déterminé, pour lequel ce qui compte dans les productions de l’esprit, c’est ce qui s’efforce de rejoindre les richesses de l’ultra-humain. Avec l’Ouragan, histoire brûlante de la guerre de 14, de ce « fléau planétaire », comme dit ce soldat sept fois volontaire, il explore le sous-sol psychique d’une humanité subitement plongée dans l’anormal. La Mort casquée, l’Abîme, sont de la même veine. Le Règne de la Bête est un condensé des événements de l’Occupation, de la Résistance, de la Libération, tout animé par une colère sacrée, par la passion patriotique et le zèle justicier. Le style de M. Florian-Parmentier est ruisselant d’images, d’une véhémence qui ne renonce jamais au purisme, et qui prouve que l’accent personnel, fût-il fiévreux et pittoresque, ne nécessite pas le massacre de la syntaxe.

 

Le Prix Dumarest se doit à un jeune qui, par l’essai ou le roman, est particulièrement attentif aux choses de l’âme et de l’esprit. Dès le mois de juin nos suffrages se sont portés sur M. Christian Murciaux, pour son roman Les Fruits de Canaan. L’action se déroule, parmi des puritains, au fond de la vieille Amérique anglaise. Drame moral qui se développe sans fracas dans l’atmosphère d’un monde voué à la pureté. Livre austère, comme le serait un monument de marbre aux lignes nobles, mais intérieurement éclairé par une flamme votive. Les dons de style très personnels, de M. Christian Murciaux ne pouvaient passer inaperçus.

Ont été désignés par-moitié pour le Prix Durchon MM. Emile Solari  et Charles de Rouvre.

Filleul d’Emile Zola dont son père était l’ami, le Provençal Emile Solari qui, dès l’âge d’homme, avait émigré vers Paris, a, pendant soixante années de vie littéraire, multiplié les romans, contes, essais, articles de critique parus dans les grands journaux. Il aime la vérité et la peint vigoureusement. Son œuvre, pleine de vie, est très généreusement humaine. Les aspects de la nature dont il encadre ses personnages, et qu’il choisit en accord avec l’état de leur âme, sont nuancés. Au cours de son labeur, M. Emile Solari n’a pensé qu’a son travail, n’a sollicité, ni décoration, ni récompense, et il n’en a reçu aucune. Aussi est-ce justice de lui offrir celle-ci.

 

C’est, depuis cinquante ans que M. Charles de Rouvre vit la plume à la main. Après avoir écrit d’émouvants poèmes et plusieurs romans d’une psychologie fouillée, qui furent bien accueillis, il publia en 1900, six mois avant les célèbres Oberlé de René Bazin : Française du Rhin, le premier roman qui parut sur l’Alsace restée française. L’Académie couronna ce livre. Puis, se tournant vers la philosophie et son histoire, M. Charles de Rouvre nous donne l’Amoureuse histoire d’Auguste Comte et de Clotilde de Vaux, également couronnée par l’Académie en 1918. Elle a été suivie d’une étude — devenue entre toute classique — sur la doctrine Comtiste, comme l’annonce ce titre : Auguste Comte et le Positivisme. Enfin, l’année dernière vit paraître une Méditation sur Clotilde de Vaux où il présente cette femme touchante et brillamment douée avec l’art pénétrant de ceux qui savent percevoir les plus délicates résonances des âmes.

 

Pour son important livre intitulé Peints à leur tour M. Thadée Natanson reçoit une large part du Prix Charles Blanc. Vers la fin du XIXe siècle, il fut, avec son frère Alexandre, le fondateur de la Revue-blanche qui, pendant une vingtaine d’années, sous le discret et très cordial patronage intellectuel de Stéphane Mallarmé et d’Octave Mirbeau, défendit toutes les innovations bien conçues et dignes d’attention, en art comme en littérature. Sa bonne tenue, son courage éclairé, son influence laisseront un souvenir dans l’histoire des Lettres de notre temps. En accord avec l’original critique Félix Fénéon, lui aussi subtil découvreur de talents nouveaux dans tous les domaines, Thadée Natanson, tout en glorifiant les vieux maîtres impressionnistes, qui commençaient tout juste à ne plus être dédaignés, reconnut et fit valoir le talent de leurs jeunes successeurs, pour la plupart très différents de leurs aînés : Seurat, Paul Signac, Toulouse-Lautrec, Bonnard, Vuillard, Georges d’Espagnat, Xavier Roussel, Maurice Denis, puis Segonzac, Duffy, pour ne citer que les principaux. Dans son livre, d’une lecture attrayante, qui est un précieux document sur une longue et éclatante étape de l’art français, M. Thadée Natanson rappelle la vie, le caractère de ces artistes dans l’intimité desquels il a vécu, tout en parlant sans injustice ni dénigrement des peintres qu’il aimait moins, de leurs conceptions et tendances, de ce que, en toute sincérité, ils ont fait ou voulu faire.

M. J.-G. Prod’homme, également lauréat du Prix Charles Blanc, est un savant musicographe dont le présent livre sur Glück est une magistrale et ample reconstitution historique. À travers les tribulations de l’auteur d’Orphée ou la querelle des Lullistes et des Glückistes, on respire l’atmosphère du temps, celle des salons où les passions artistiques telles qu’on oublie l’Amérique et les frémissements sociaux, préludes de la Révolution.

Par une récompense donnée dans le même esprit que la fondation Charles Blanc, nous voulons témoigner notre estime aux nombreux et distingués travaux de Mme Wanda Landowski. Historienne de la musique, elle en a retracé l’évolution, des origines à nos jours. Son attention se tourne aussi avec continuité et perspicacité vers les efforts des jeunes compositeurs français et étrangers. Cette année, elle vient de se pencher sur l’œuvre de Claude Delvincourt, pour la première fois condensée, réunie, considérée dans ses caractéristiques. Mme Wanda Landowski sait parer d’élégance littéraire ses moindres critiques musicales.

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Nous avons été heureux de pouvoir disposer cette année de trois Prix dits « d’Académie », qui ont été à MM. Gaillard de Champris, Tchobanian et Victor Goedorp.

Au cours d’une longue carrière de journaliste militant et quotidiennement très occupé, M. Victor Goedorp a trouvé le temps et s’est donné le plaisir d’écrire une quinzaine de romans, riches d’humanité, parfois pittoresque qui, publiés, pour la plupart en des gazettes fort importantes, furent non moins goûtés du public lorsqu’ils parurent en volumes chez des éditeurs réputés. Les minutes m’étant comptées, je ne puis citer les titres de quelques-uns d’entre eux qui nous rappelleraient d’agréables heures de lecture. J’ai le regret d’être contraint de me borner à dire que, dans un grand journal où il fut longtemps le Secrétaire de la Rédaction, il a toujours cherché le moyen de bien servir les Lettres et les écrivains.

Poète arménien fixé depuis longtemps parmi nous, M. Archag Tchobanian y a sans cesse écrit en notre langue des poèmes qui, jaillis du cœur, nous ont émus et charmés. Puis, resté très fermement fidèle à son pays, si souvent maltraité, dont les souffrances et meurtrissures successives ont déchiré son cœur de patriote, il n’a cessé d’élever éloquemment sa voix contre les violences dont l’Arménie fut victime. À son appel, que de fois, parlementaires influents et écrivains de chez nous sont venus, soit au grand amphithéâtre de la Sorbonne, soit au Trocadéro, réclamer qu’on respecte l’indépendance de l’Arménie, que son territoire ne soit plus dépecé et que son peuple ne soit plus inquiet pour son libre avenir.

 

Malgré la diversité de ses essais, M. Gaillard de Champris est surtout un critique moraliste. Tel il apparaît dans son premier livre consacré à Vigny, Sully-Prud’homme, Brunetière orateur, Jules Lemaître, tel encore dans les deux recueils intitulés Anniversaires et Pèlerinages, De Pascal à Péguy, une étude sur Vauvenargues. Dans un gros ouvrage : Grands écrivains classiques, il insiste sur la technique dramatique de Molière et de Racine et il s’arrête volontiers à Mme de Lafayette, à un La Rochefoucauld, à un La Bruyère. Moraliste, il le reste dans ces nouvelles : Les Héroïques et les Tristes dont le titre est significatif. D’autre part, onze ans, d’enseignement à l’École Normale supérieure de l’Université de Québec ont permis à M. Gaillard de Champris de travailler efficacement au progrès de l’amitié franco-canadienne. Nous ne pouvions être indifférents à ses efforts en ce domaine et un Prix d’Académie allait tout naturellement à ses Images du Canada français, que nos lointains cousins ont accueilli avec une sympathie égale à la nôtre.

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L’un des prix Sivet, de création récente, doit, selon le vœu de son fondateur, aller de préférence à un poète ou prosateur du Forez. Nous avons donc pensé à M. Guy Chastel, originaire de cette région avec laquelle il garde des liens étroits et où if fait, l’été, de longs séjours. Il en a chanté les beautés et le caractère dans maints volumes de vers, comme celui-ci : Mon Ciel et ma Terre, ou en prose, par des livres tels que : Images foréziennes, ou encore Le Frère François, religieux de ce pays dont il vient de nous donner une touchante biographie, digne d’ajouter un chapitre à « La Légende dorée ». Atteint d’une pénible demi-cécité, à la suite d’un accident, M. Guy Chastel trouve le moyen, non seulement d’écrire, mais de se dépenser au Comité directeur de la Société des Gens de Lettres — dont il est élu membre depuis trois ans — pour la défense des intérêts et droits des écrivains, pour le rayonnement de notre littérature.

Tout le monde connaît M. Charles Foley, romancier chevronné, auquel nous sommes heureux d’apporter, au soir de sa longue et laborieuse existence, un témoignage d’estime par le truchement d’un Prix Sivet. En outre des nombreux romans dûs à sa féconde imagination, il a constamment, dans les journaux les plus répandus, publié une multitude de contes saisissants, construits avec soin — qualité nécessaire, mais assez rare — sur des sujets bien choisis.

 

C’est avec un égal plaisir que la troisième part du Prix Sivet est attribuée à M. Emile Guillaumin, pour son labeur ininterrompu depuis son premier livre : Dialogues bourbonnais daté de 1899. Après se succédèrent : Tableaux champêtres en 1905, La Vie d’un Simple couronné par l’Académie française, traduite en anglais, et même en japonais, qui établit solidement sa réputation, La Peine des Chaumières, Panorama de l’évolution paysanne. Enfin, avec son récent volume : Sur l’Appui du Manche, nous voyons combien son expérience acquise, grâce à une très intéressante faculté d’observer et de raisonner, est riche de sages conseils. Notre sympathie se devait de se manifester à cet évocateur de la vie terrienne.

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De la gerbe offerte aux poètes, nous extrayons ces quelques fleurs :

Pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de son récent volume : Chants et Psaumes d’automne, nous avons décerné à Mme Marie Noël une de nos importantes récompenses appelées « Prix d’Académie ». La passion des chercheurs de neuf en poésie, passion d’ailleurs bien respectable, pourrait donner à croire que le lyrisme a désormais abandonné ses thèmes favoris, qu’il se consacre dans l’ombre à des interprétations abstraites et quasi algébriques du monde et des mouvements du cœur. Il suffit cependant d’ouvrir les livres de Mme Marie Noël pour comprendre que les sentiments éternels peuvent encore inspirer nos poètes et que ces poètes souvent, selon le jour et la saison, s’adressent soit aux âmes simples, soit aux esprits les plus raffinés, les plus exigeants. Mme Marie Noël n’oublie pas que, par essence, la poésie est un chant. Il lui est arrivé parfois, dans certains de ses ouvrages, de marier la poésie et la musique. L’Académie récompense en elle un poète dont le talent est tout de pureté et d’harmonie, un poète dont la voix touchera longtemps tous ceux qui chérissent le génie de notre vieux peuple.

 

Mme Jeanne Lenglin et M. Pourtal de Ladevèze se partagent le Prix Davaine. De Mme Jeanne Lenglin, nous possédons trois recueils : Le Reflet d’un Miroir, « le reflet de la Vérité profonde où se profilent l’Amour et la Douleur se tenant par la main », L’Ombre d’Elseneur, cette ombre que tant d’êtres ont rencontrée aux carrefours du doute. Les amateurs impatients de beaux vers ont pu prendre connaissance d’un volume encore inédit : Le Cantique du Silence, où l’on voit le poète se réfugier dans ses souvenirs et concevoir la mort comme un bienfaisant silence. Il y a, chez Mme Jeanne Lenglin, un accent parfois hautement résigné, parfois farouche. Elle cherche de puissants symboles dans quelques grandes figures de l’histoire et de la légende. Certains de ses vers sont frappés comme des médailles.

 

M. Pourtal de Ladevèze, grand blessé de la guerre de 1914-1918, déjà couronné par l’Académie française, est un tempérament méditatif, tourné vers la vie intérieure. C’est un élégiaque fidèle à la poésie traditionnelle. Il a publié sept recueils d’une pénétrante harmonie, entre autres : Sur le Balcon du Ciel, Reflets dans un cristal. Critique littéraire au « Mercure de France », il y donne des comptes-rendus perspicaces et bienveillants, d’un homme qui aime et comprend les poètes.

 

Le Prix François Coppée a pour dessein de mettre en lumière les beaux jeunes talents. Cette année la bénéficiaire en est Mme Françoise des Varennes, petite-nièce de Gabriel Vicaire, le poète des Emaux bressans, et disciple très appréciée de Mme Rosemonde Gérard, qui a écrit une bien jolie préface pour son recueil Les Pages tournées, suite de poèmes d’une forme très soignée où une sensibilité tendre et bien féminine se traduit en des pièces telles que l’Ecriture, évocation de ceux qui n’écrivent plus, ou le quatrain fluide et prenant : Aimer.

M. Paul Leclère, choisi pour le Prix Archon- Despérouses, a donné comme titre à un de ses volumes : Amante des Fontaines, hémistiche d’un vers d’André Chénier. Et c’est de ce patronage qu’il aurait raison de se réclamer. Car sa Muse a aussi une sorte de grâce athénienne, un souci de l’eurythmie, comme celle du chantre de la « jeune Tarentine ». Mais il a aussi une note fantaisiste dans sa traduction en vers du style des peintres contemporains les plus originaux.

 

M. Auguste-Pierre Garnier reçoit le Prix Jouffroy-Renault. Selon le mot amusant du bon et regretté poète André Dumas : « Il aime les vers jusqu’à les éditer ». En effet, il dirige la célèbre maison d’édition qui porte son nom. Il est le poète de la famille et du bonheur, et le bucolique évocateur de la terre normande. Il s’écarte délibérément de tout ce qui est artificiel. De son inspiration sincère dérive une pureté de forme.

 

Pour une bonne part, le Prix Artigue est attribué à Mme Andrée Lemain-Lacroix, qui vient de publier un volume sous ce joli titre floral : La Corbeille embaumée, d’où émane, en effet, un parfum de ferveur lyrique, de passion. Sur des mètres toujours classiques, elle célèbre les splendeurs de la Nature et des Saisons, sans négliger pourtant la douceur des émotions familiales, des réchauffantes intimités, et le charme mélancolique des souvenirs.

 

La poésie de M. Paul Rispal, qui méritait bien le Prix de Wils, est élevée, généreuse. Son récent volume : À l’approche du Soir qui s’ajoute à beaucoup d’autres, comme Mon humble Gerbe, Au hasard de la Route, est imprégné d’amour et de pitié pour les créatures. Largement accessibles à tous, attentifs aux spectacles quotidiens, gracieux ou douloureux, alliant les descriptions colorées au rêve, ses poèmes, qui font voir et penser, rendent en son profondément humain.

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Bien que je ne puisse faire de ce discours un palmarès en mentionnant tous les lauréats, je veux encore me donner le plaisir de citer quelques excellents ouvrages en prose.

Par exemple, l’Anjou à travers les âges, du chanoine Guéry, riche de magnifiques illustrations, auquel est attribué le Prix Catenacci ; le Lamennais écrivain, de M. Yves le Hir ; une traduction des plus soignées de la Divine Comédie, par M. Mousseron ; les Combats de Saumur, si tragiques, où la furia française étonna l’ennemi, par M. Elie Chamard ; un impartial et complet Panorama de la Peinture française au XIXe siècle, de M. Georges Turpin ; un livre de la poétesse Mme George-Day sur une poétesse de la couleur : Marie-Laurencin ; deux jolis romans : Menou et François, de Mme  Myonne et La Bigette, de M. Raoul-Grimal, savoureuse histoire paysanne, qui ont obtenu des Prix Montyon.

J’ouvre une parenthèse pour rappeler, à ceux que j’ai le grand regret de ne pouvoir nommer, qu’au Secrétariat, s’ils en expriment le désir, on leur remettra un exemplaire de la liste où sont imprimés les noms de tous le bénéficiaires d’un prix et le titre des ouvrages mis à l’honneur.

 

Pour le Prix Tisserant nos préférences se sont portées sur la biographie de Glatigny, par M. Jacques Chabannes. La vie de ce poète est celle de tous les artistes-nés qui, la tête dans les étoiles, oublient les réalités mesquines, ce dont celles-ci, par on ne sait quel décret de forces inconnues, se vengent cruellement. M. Jacques Chabannes peint Glatigny sous un jour nettement projeté par une bienveillance qui est un acte de justice. Glatigny apparaît comme un des plus typiques exemples d’une despotique vocation, sur laquelle, d’ailleurs, il se trompe d’abord, en se dirigeant vers le théâtre. C’était besoin de se créer un monde féerique. Rêve de poète qui trouvera dans son âme exaltée la force d’une lutte contre les vents contraires. Sorte de Villon moderne, aux vagabondages qui le fait appeler d’un joli mot par M. Jacques Chabannes « un ange fugitif ». C’est un malheur que Glatigny n’ait pas rencontré de son vivant une sensibilité comme celle de M. Jacques Chabannes, une sympathie convaincante, sachant parler haut.

 

Le Prix Lane est offert à M. Jacques May pour son Paris-Paris en 1591 jours. Ce sont les souvenirs d’une victime des lois dites raciales qui, ayant dû fuir Paris, se « planqua » d’exode en exode, rentra enfin dans la ville purgée des odieux occupants. Cette randonnée a un intérêt historique dont il était bon de faire état. M. Jacques May parle de ces 1591 jours de terreur d’une manière personnelle, j’allais dire presque enjouée, en gardant bonne humeur et sourire. Il enchâsse l’anecdote dans le drame. On oublie presque que c’est sa lugubre aventure qu’il raconte, faite cependant pour lui permettre une rancune inexpiable. Je veux rappeler que, pendant trente ans, M. Jacques May, rédacteur en chef du journal de sports l’Auto, voulut en accroître la valeur, en y attirant l’élite des écrivains français, en y assurant une place aux jeunes talents.

 

Il y a certains génies dont on ne parlera jamais trop et auprès des éditions savantes, bourrées de références, il en est d’autres d’un abord aisé, qui sont aussi une consécration des plus utiles. C’est pourquoi nous avons retenu, pour le Prix Narcisse Michaut, le Chateaubriand de M. Michel Robida, qui présente de la carrière de « l’homme épris de grandeur », comme il dit, un tableau très juste et complet. Tous les points essentiels d’une vie qui se passa un peu dans les nuées et beaucoup parmi les « orages désirés », sont là, dans ce volume de 354 pages. L’homme d’orgueil est bien dessiné comme sont nettement exposés les faits historiques auxquels il se trouva mêlé.

 

Pour le Prix Miller, nous félicitons Mme Germaine L’Herbier-Montagnon, pilote brevetée, pour sa bouleversante relation historique : Cap sans retour, où sont narrées les évasions — auxquelles parfois elle collabora — de 400 aviateurs qui, en 1940, voulurent rejoindre en Angleterre les Forces françaises libres et qui tous moururent pour sauver l’honneur de la France. Nul n’était mieux indiqué que Mme L’Herbier-Montagnon pour écrire ces récits d’héroïsme, car elle est la créatrice de la Mission des recherches des Disparus de l’Armée de l’Air. Elle découvrit et identifia, au cours d’un périple, souvent dangereux, de 10.000 kilomètres, les sépultures de centaines d’aviateurs tombés du ciel.

 

Un roman bien touchant, qui serre le cœur, et que, parfois, l’on dirait inspiré par une « chose vue » — dont l’auteur sans récrimination, ni démonstrations, discrètement s’indigne — c’est La Palombe de Mme Boachon-Joffre, nièce du Maréchal. Le laurier qui lui a été attribué, en nous permettant de signaler cette douloureuse histoire aux qualités d’harmonieuse tenue, fait résonner une fois de plus sous cette Coupole le nom illustre du vainqueur de la Marne et de la Course à la Mer, qui ne s’entend jamais sans ranimer en nos âmes françaises les fortes émotions de la reconnaissance et de la gloire.

Bien que le temps me presse, je m’en voudrais de ne pas nommer le livre saisissant Prisons et Déportations de S. Exc. Mgr Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, victime de son inflexible patriotisme et de sa foi en la justice de notre cause, traîné, menottes aux poignets, dans les camps de torture. S’oubliant presque lui-même, ce courageux prélat raconte bien moins ce qu’il a souffert que ce qu’il a vu souffrir, témoin pitoyable et révolté.

 

Ce n’est pas sans émotion que nous avons lu le recueil — tout dernièrement publié par leurs veuves — des lettres échangées par Louis Gillet et Romain Rolland, deux écrivains dont la qualité justifie une réputation qui survivra. C’est à l’École Normale de la rue d’Ulm qu’ils s’étaient liés d’affection. Au cours de la guerre de 1914, un livre de Romain Rolland — dont le titre aggravait l’esprit— attrista le patriotisme de Louis Gillet et sépara pour vingt-cinq ans les deux amis. Leurs relations épistolaires et cordiales ne se renouèrent qu’en face de l’agression et du péril nouveaux qui, en 1939, mirent dans le cœur de chacun d’eux une angoisse égale et le même espoir pour le salut de la France.

Mme Cécile Daubray qui consacre tous ses soins à la gloire du grand poète des Contemporains et de la Légende des Siècles, vient de mettre au jour une précieuse série de lettres des Correspondants de Victor Hugo. Nous ne pouvions pas rester indifférents à ce travail de piété, voué à l’une des mémoires qui sont la fierté de notre Pays.

C’est à la publication de la Correspondance de Lamartine que les élèves de la Section des Lettres de l’École Normale s’appliquent avec un zèle continu dont nous les remercions. Ils viennent d’en publier un second tome. Et nous avons voulu, tout en leur donnant un témoignage d’encourageante sympathie, contribuer à leur permettre l’édition d’un troisième tome.

M. René Dollot s’est spécialisé dans des études sur la vie et l’œuvre de Stendhal, sur les divers aspects de son activité littéraire. Le Prix Calmann-Lévy l’assure de notre estime pour sa persévérance de stendhalien qu’affirme un livre récent : Stendhal journaliste, où apparaît, dans un rôle peu connu, l’auteur de la Chartreuse de Parme.

L’excellent et laborieux critique et historien des Lettres, John Charpentier, était encore de ce monde lorsque, en juin dernier, nous avons retenu sa biographie d’Alexandre Dumas père pour le Prix Bordin. Comme s’il était encore là, pour entendre notre éloge, nous tenons à louer la qualité, la diversité, l’ampleur, la clairvoyance de son œuvre édifiée dans une vie de dignité.

 

C’est un ouvrage très attachant que vient d’écrire sur le glorieux et chevaleresque général Gouraud, M. Pierre Lyautey, neveu-du grand soldat et grand administrateur — dont on a pu justement dire que, avant et pendant la guerre de 1914-18, il nous donna deux fois le Maroc —. Le biographe rappelle tout ce que nous devons aussi à Gouraud qui, là-bas, combattait sous les ordres du maréchal Lyautey. Après avoir rappelé ses exploits en Afrique du Nord, qui lui valurent ses étoiles à un âge où l’on n’ose pas encore y penser pour l’avenir, M. Pierre Lyautey nous conte ce que Gouraud a fait dans l’Est de la France durant cette même guerre. Avec quelle admiration Gabriel d’Annunzio le salua d’un vers où roulait une musique d’éclat martial, vibration d’héroïques trompettes :

Gouraud, ce grand lion dont l’Argonne est grondante…

Un peu plus tard, à la tête d’une des trois armées formant le fameux « groupe des Armées du Centre », que commandait en chef le noble, savant et ferme général Fayolle — bientôt Maréchal de France — il participa brillamment à la poussée, constamment victorieuse, qui rejeta les envahisseurs bien au-delà du Rhin.

En offrant l’un de nos Prix à M. Pierre Lyautey, nous le remercions d’avoir donné à l’Académie une occasion nouvelle de saluer la mémoire de ces trois illustres chefs, dont deux d’entre eux contribuèrent si puissamment à la libération de 1918 — hélas, trop momentanée ! — et de redire la gratitude que nous gardons dans nos cœurs pour eux et pour les hauts faits des combattants sous leurs ordres.