Inauguration de l'exposition consacrée à Maurice Genevoix, Moulins

Le 3 avril 1993

Michel DROIT

Inauguration de l’exposition consacrée

à

Maurice Genevoix

Discours de

M. Michel Droit
Délégué de l’Académie française

Moulins, le 3 avril 1993

 

 

 

Monsieur le Président du Conseil général de l’Allier,

Messieurs les Conseillers,

Chère Suzanne,

Mesdames, Messieurs,

 

Ne craignez rien : je ne vais pas vous faire un discours. Moins encore un discours académique.

Nous sommes réunis ici, grâce au président Dériot, je ne dirai pas dans la mémoire, parce que c’est l’évidence, mais dans l’esprit vivant de Maurice Genevoix.

Trente mille jours, avait choisi celui-ci comme titre de ce qui serait son dernier ouvrage. Aujourd’hui, et nous avons du mal à le croire, cela fait plus de quatre mille jours qu’il nous a quittés.

Mais regardez-vous, regardons-nous les uns les autres : Maurice Genevoix n’est-il pas plus que jamais présent au milieu de nous ? C’est d’ailleurs bien pour cela que vous êtes ici, que vous avez répondu à l’appel de l’homme et de son œuvre.

Lorsqu’un grand écrivain disparaît, on dit souvent, hélas ! qu’il entre alors dans une sorte de purgatoire dont beaucoup mettent longtemps à sortir. Si tant est, d’ailleurs, qu’ils en sortent jamais. Eh bien, pour Maurice Genevoix, nous pouvons dire aujourd’hui, comme ce fut le cas pour son ami, pour notre ami Marcel Pagnol — mais qu’ils sont donc peu nombreux ceux que nous pourrions citer ainsi — pour Maurice Genevoix, pour Marcel Pagnol, il n’y a pas eu de purgatoire. Et votre présence ici, votre présence à tous, au milieu de ces souvenirs souvent bouleversants, votre présence au milieu de cette évocation si émouvante et si remarquablement conçue le prouve bien.

Et pourquoi donc n’y a-t-il pas eu de purgatoire ? Eh bien, certainement, parce que l’homme, l’écrivain n’a jamais cessé jusqu’au bout d’enrichir son œuvre, c’est-à-dire de la faire à chaque instant palpiter de nouvelles et incessantes impatiences. Car il ne savait que trop, lui qui avait si souvent affronté la mort sur les pires champs de bataille qu’on eût jamais connus, il ne savait que trop, ou bien ne devinait que trop, ce que peuvent être l’âge et toutes ses menaces, pour leur permettre la moindre intrusion incontrôlée dans le travail quotidien qui, jusqu’au terme de sa vie, au grand âge de celle-ci, aura été son bonheur quotidiennement vécu et partagé avec les siens. Tout comme il avait su, à la télévision, partager avec des millions de téléspectateurs subjugués un peu de ce que la vie avait bien voulu lui confier.

Monsieur le Président du Conseil général de l’Allier, au nom de l’Académie française que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui dans votre ville, je vous remercie d’avoir ainsi voulu que soit si ardemment célébré, à Moulins, le souvenir de Maurice Genevoix.