Mastaire

Le 28 mars 2002

Langue française

L’Académie française a été informée par les commissions de terminologie de l’existence d’un projet de décret préparé par le Ministère de l’Éducation nationale dont le seul objet serait de remplacer le terme mastaire, officialisé comme diplôme de l’enseignement supérieur par un décret du 30 août 1999, par celui de master.

Dans la mesure où ce projet consisterait en une simple modification de l’orthographe d’un nom de diplôme, l’Académie française doute qu’il soit de la compétence d’un décret d’y procéder.

Dans la mesure où il s’agit de remplacer un terme français par un terme anglais, ce décret serait en outre contraire à l’article 2 de la Constitution, à la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et au décret du 3 juillet 1996 relatif à l’enrichissement de la langue française. La violation de ces textes solennels serait d’autant plus critiquable que l’État, qui dispose du monopole de la collation des grades, imposerait un anglicisme à l’usage général, y compris dans les enseignements professionnel et privé.

Mais les réserves exprimées dans la presse à propos de ce texte, émanant des centres hospitaliers et universitaires, des grandes écoles d’ingénieurs et des chambres de commerce et d’industrie, montrent qu’il faut aller au-delà des apparences.

Le grade de mastaire sanctionnant cinq années d’études supérieures après le baccalauréat a été créé en France en 1999 pour préparer une harmonisation des études et des diplômes au sein de l’Union européenne et préfigurer un « espace européen de l’enseignement supérieur ». Le choix du terme mastaire désignant d’abord un grade, puis un diplôme, s’expliquerait par le souci de disposer d’un mot nouveau, d’usage général, susceptible de se substituer à terme aux DEA, DESS et diplôme d’ingénieur.

Ce serait afin de faciliter la reconnaissance de ce niveau d’études dans le cadre européen et anglo-saxon qu’aurait été décidé le remplacement du terme initialement retenu par le terme anglais de master. Aucune de ces considérations ne saurait être retenue par l’Académie française.

Le terme mastaire est un néologisme dont la morphologie n’est nullement justifiée et dont la création n’est pas nécessaire. Son usage ne s’est pas répandu. Il est l’homonyme de mastère, existant par ailleurs. Il faut l’abandonner.

Le terme master est un pur emprunt à l’anglais, d’ailleurs dénaturé. Désignant en anglais des diplômes très divers, il ne s’emploie pas seul, mais toujours complété par la précision de la discipline : master of Arts, par exemple. Prétendre que cet emprunt faciliterait la reconnaissance du diplôme au sein de l’Union européenne méconnaît totalement la diversité linguistique de l’Union. Il ne faut pas l’introduire dans le vocabulaire français et tenter de forcer ainsi la main à nos partenaires non anglophones.

L’Académie française ne se prononcera pas sur le bien-fondé d’une réforme tendant à ce que tous les diplômes terminaux, et les grades, obtenus après cinq années d’études supérieures après le baccalauréat reçoivent la même dénomination. Mais si tel est l’objectif retenu, le vocabulaire français dispose de plusieurs mots pouvant répondre à ce souci de généralité, de cohérence et de clarté, parmi lesquels : diplôme, maîtrise, magistère.

Il serait vain de dénaturer maladroitement le vocabulaire pour précipiter une réforme d’envergure et de longue haleine. Au contraire, celle-ci entrera d’autant plus aisément en application que le vocabulaire qui l’exprime sera simple, naturel et judicieusement choisi.